Convivialité n Après quelques prières à l'intérieur du mausolée pour la baraka, les uns se mettent en devoir de casser la croûte à même le sol, les autres montent leur barbecue personnel, les enfants s'éparpillent ici et là, à la recherche de coquelicots. Loin des casinos de grandes villes, de leurs juke-box et de leurs boîtes de nuit, les villages savent festoyer. A l'inverse d'une idée généralement répandue qui prétend que tous les loisirs sont concentrés dans les grosses agglomérations urbaines et que nos pauvres paysans s'ennuient à mourir, à la campagne et dans les hameaux qui la peuplent tout est prétexte au rapprochement convivial entre voisins et entre citoyens. Et la fête ici a un autre sens. Dans ces bourgs qui ne paient pas de mine et dont on ignore parfois jusqu'à l'existence, l'histoire reste un repère et non une variable qu'on ajuste à chaque conjoncture et qu'on agite à chaque fois que les choses vont mal. Prenons l'exemple des «ouaddas» qu'il ne faut pas confondre avec «tani» qui est une fête religieuse et populaire. La «ouadda» par essence, du moins dans certaines régions du pays est l'hommage qu'un individu rend à des défunts très proches. Cet hommage consiste à organiser un couscous géant à la maison où seront conviés les proches, les amis et quelquefois les notables du village ou de la contrée en souvenir d'un père ou d'une mère disparu. Cela s'appelle aussi «saddaka» et permet à l'hôte de revoir les anciens, d'évoquer la figure du «marhoum», ses coups de gueule, et ses coups de «nif» et ses bonnes blagues. L'atmosphère dans ce type de retrouvailles est toujours bon enfant, jamais guidée, toujours détendue, une bonne occasion de resserrer encore les liens de la communauté qui se considère comme une même famille. La visite des mausolées qui essaiment la campagne, est une autre occasion de se rencontrer et de demander des nouvelles des uns et des autres. Cela est tellement vrai que certaines «goubas» (mausolées) sont devenues, chaque vendredi, en rase-campagne le rendez-vous de milliers de citoyens. Ils y arrivent en train, en voitures et même en autocars spécialement affrétés. Après quelques prières à l'intérieur du mausolée pour la baraka, les uns se font un devoir de casser la croûte à même le sol, d'autres montent leur barbecue personnel, les enfants s'égaillent à la recherche de coquelicots. Reniflant la bonne affaire, des marchands des quatre saisons ont pris l'habitude de monter leur commerce sur le site. Certains complexes thermaux implantés généralement hors des agglomérations sont devenus de véritables attractions en période de vacances scolaires, puisque les troupes folkloriques des douars environnants, viennent chaque jour, donner l'aubade aux curistes des grandes villes… qui se mettent aussi à faire la fête. Les citoyens du béton l Il faut bien l'admettre, la proximité de la nature adoucit les humeurs, calme le stress et donne une certaine sérénité. C'est pourquoi en milieu rural, on apprécie la vie à sa juste valeur et une fleur ou un ruisseau qui coule apportent parfois beaucoup de bonheur. Ce qui explique, en grande partie, pourquoi les citoyens des villes, les citoyens du béton, sont toujours heureux et font même la fête au bord de l'eau pendant les vacances ou au milieu d'une clairière, le temps d'une sortie champêtre.