Résumé de la 3e partie n Fatiha apporte la soupe commandée par le client. Il l'invite de nouveau à manger avec lui. Elle refuse poliment et s'en va. Il est vingt-deux heures passées quand elle rentre chez elle. D'habitude, elle rentre plus tôt, mais comme il y a eu beaucoup de clients et un manque de serveurs, on l'a retenue, avec la promesse d'une prime. Elle a accepté car en ce moment elle a besoin d'argent. Avec un peu de chance, elle trouvera encore un bus, sinon elle sera obligée de prendre un taxi. Dans la journée, elle n'hésite pas à faire le trajet à pied, même si cela lui prend une bonne heure, mais la nuit elle n'ose pas s'aventurer seule dans les rues de la ville. A trente-cinq ans, Fatiha est toujours une belle femme qui paraît bien plus jeune que son âge. Brune, le teint clair, la taille élancée, elle a la jolie frimousse d'une étudiante et l'allure d'une sportive. Elle se fait draguer continuellement, et parfois par de plus jeunes qu'elle, mais elle ne répond jamais aux avances. Elle a été assez malheureuse dans le passé et aujourd'hui elle ne pense qu'à une chose : vivre en paix en gagnant honnêtement sa vie… et surtout, élever son fils ! Le petit Adlane est en effet sa raison de vivre. Abandonnée par l'homme qui l'avait séduite, rejetée par sa famille, sans amis ni soutien, elle s'est accrochée désespérément au petit garçon comme on s'accroche à une bouée de sauvetage. Refusant de le livrer à l'assistance comme on le lui a conseillé à l'époque, elle a choisi de le garder. Elle a dormi dans la rue, elle a trimé, a exercé divers métiers, avant d'être recueillie par une vieille femme qui lui a proposé, en échange de menus services, de la loger chez elle. La vieille était elle-même sans famille et Fatiha s'est bien occupée d'elle. Aussi, pour la remercier, elle a mis à son nom son appartement. «Comme ça, lui a-t-elle dit, s'il m'arrive quelque chose, la mairie ne viendra pas t'expulser.» La vieille n'a pas tardé en effet à mourir et Fatiha a gardé l'appartement. Elle a même entrepris, dans le cadre de la cession des biens de l'Etat, de l'acheter. Elle pourra ainsi élever son fils et lui laisser plus tard, à son tour, un refuge. A cette heure, Adlane doit dormir. Il promet toujours de l'attendre en regardant la télévision, mais presque toujours il s'endort au milieu du film ou de l'émission. Il faut dire qu'il n'a que huit ans et qu'il se fatigue très vite… «A-t-il mangé ?» se demande-t-elle. Il a dû manger bien sûr mais elle lui a apporté dans son sac une cuisse de poulet que le chef cuisinier – qui connaît sa situation – lui a donnée. Quand elle s'apprête à partir, le chef cuisinier, Ammi Moh, lui glisse régulièrement un petit sac en plastique : «C'est pour Adlane.» Côtelette, poisson, boulettes de viande ou, comme ce soir, cuisse de poulet. S'il n'a pas faim, Adlane garde le morceau pour le lendemain. Fatiha soupire… Il n' y a pas de bus et il n'a apparemment pas de taxi non plus. Elle sera obligée d'attendre, en espérant qu'elle ne fera pas de mauvaise rencontre. — Vous rentrez chez vous ? Elle sursaute et se retourne. Il y a un homme, mais comme il fait sombre elle n'arrive pas à voir ses traits. Il se rapproche du réverbère. — c'est moi ! Elle le reconnaît et elle devient pâle. C'est le client bizarre qu'elle a servi tout à l'heure au restaurant… — vous sortez très tard… (à suivre...)