Au moment où la katiba El-Hamdania se trouvait dans le douar Hayouna, un agent de liaison vint nous apporter une lettre du capitaine Si Slimane, dans laquelle il disait que les soldats français avaient pris l'habitude de faire des incursions fréquentes et répétées au douar Nouari, près de Sidi Semiane, dont ils martyrisaient les habitants, et que, de ce fait, il y avait lieu de se rendre sur place pour mettre fin aux agissements humiliants et néfastes de la soldatesque française. Il nous fallait effectuer une longue et harassante marche de plus de trois heures pour arriver à Sidi Semiane. Aussi sommes-nous partis de Hayouna à 23 heures pour pouvoir atteindre Sidi Semiane à 3 heures du matin. Suivant le plan d'attaque arrêté par Si Youcef, Si Ali et Si Moussa, la section de Si Kaddour avait commencé par aller prendre position en face de Sidi Semiane, à proximité du Djebel Lemri; quant aux deux autres sections, elles étaient parties s'embusquer tout près du bord de la route, à l'orée du bois situé derrière le douar Nouari. Aux environs de 4 heures du matin, nous avons commencé à entendre le ronflement des moteurs des transports de troupes. Si Moussa s'était mis à circuler d'un groupe à l'autre, nous enjoignant de bien nous camoufler et d'être très prudents. La journée s'annonçait très difficile. Nos guetteurs nous avaient fait savoir que deux importants convois militaires se dirigeaient vers nous en provenance du littoral, le premier arrivant par l'oued Messelmoune et le second par l'oued Sebt. Ces convois arrivaient de Cherchell, Novi, Fontaine-du-Génie, Gouraya et Dupleix, l'ennemi ayant concentré ses forces pour opérer un grand ratissage. Il nous était impossible de quitter notre position sans risquer de nous faire repérer. De toute manière, il était trop tard pour que nous puissions battre en retraite devant cette massive concentration de troupes ennemies, et nous étions donc obligés de leur faire face, malgré la disproportion effarante des forces déployées par l'armée française avec la centaine d'hommes que comptait notre compagnie. Le soleil commençait à se lever et nous pûmes voir à ce moment-là des flopées de soldats débouchant du Djebel Lemri, puis se mettre à courir pour aller prendre position face à la section de Si Kaddour. Les soldats français venant de Miliana, d'El Khemis, de Aïn-Defla et des autres postes militaires environnants, ne s'étaient pas encore rendu compte de la présence de la section de Si Kaddour, qui se trouvait derrière eux et risquait donc de les attaquer. Quant aux soldats qui étaient venus de la vallée du Chelif, derrière le Zaccar, ceux-ci commencèrent tout de suite à descendre vers l'emplacement des deux autres sections de notre katiba, ignorant manifestement l'emplacement de celle de Si Kaddour. À notre immense surprise, nous voyions le dispositif d'encerclement. qui resserrait son étau autour de nous. Une fois de plus, nous étions victimes d'une trahison, tel que nous en avions déjà fait l'expérience un certain 26 avril 1957 à Sidi Mohand Aklouche ! L'ennemi connaissait notre emplacement de façon exacte. Nous nous retrouvions ainsi pris au piège à cause de la trahison manifeste d'un agent double, qui avait réussi à se jouer de la vigilance de nos propres réseaux de contre-espionnage. (à suivre...)