Eventrée et défigurée par le percement de l'avenue du Maréchal-de-Bourmont, du temps du colonialisme, la Casbah allait commencer par souffrir du déchirement. Des bâtisses dégradées ont été transformées, en quelques années seulement, en bâtiments de style colonial. Des rues entières voient s?ouvrir des restaurants, des cafés et des guinguettes. Et La Casbah devient mi-orientale, mi-occidentale. A la seule entrée de la basse-Casbah, du côté de Zoudj-Ayoun, venaient s?ajouter plusieurs autres entrées. Le souk hebdomadaire du vendredi a été remplacé par le marché quotidien du côté de la mosquée Ketchaoua et celui de la rue de la Lyre (l?actuelle rue Bouzrina) avec tout ce que cela induit comme désagréments aux riverains alors qu?au niveau de Djamaaâ Lihoud, s?entassent étals de marchands de fruits et légumes, toutes sortes de poissons et autres gargotes offrant tchektchouka et sardines aux passants. Le séisme du 21 mai 2003 a contribué à défigurer la citadelle déjà pas très solide sur ses frêles et vieillissantes jambes. En effet, plusieurs bâtisses vétustes se sont effondrées contraignant les habitants à quitter les lieux et à trouver refuge ailleurs. Classée en 1992 patrimoine universel par l?Unesco, la Casbah n?en finit d?ailleurs pas de subir les affres d?un changement pas très beau à voir. En sus de l?aspect architectural qui s?effiloche à longueur d?années, d?autres «vertus», propres à La Casbah, commencent, si elles ne sont pas déjà entamées, à s?évaporer dans la nature, profitant des grandes fissures qui s?y manifestent à travers ses murailles. La hourma, sorte de respect de bon voisinage, est remplacée par un individualisme dévastateur : «Tekhti rassi», scande-t-on à tout bout de champ. Le haïk, voile ancestral, ne drape plus, aujourd?hui, les femmes du vieil Alger, les incantations de Hadj M?rizek, cheikh Nador, El-Anka, Ezzahi, Fadhila Dziria et Boualem Titiche cèdent la place, le c?ur meurtri, à une razzia de raï, techno et à un Berouali qui, sans mizan, ne fait plus danser sous les guirlandes bariolées.