Désarroi A J-1 des élections législatives, l?opinion publique espagnole est totalement désemparée. L?ETA ou Al-Qaîda ? Meurtrie, déchirée et occupée à enterrer ses morts, l?Espagne n?a qu?une idée à l?esprit : connaître toute la vérité sur les auteurs et commanditaires du quadruple attentat qui a fait 199 morts, le plus macabre décompte de toute son histoire, et par extension, les dessous du traitement politique par le gouvernement Aznar de ce «11 septembre» espagnol à J-1 des élections législatives. «Que l'attentat ait été l'?uvre de l'ETA ou d'Al-Qaîda n'affecte pas le rejet partagé du terrorisme, mais cela peut avoir des effets politiques et même électoraux différents», notait ce samedi matin le journal El Pais, confirmant ainsi la présence d?une chape de plomb sur la gestion de l'enquête par le gouvernement central. Une enquête de plus en plus sujette à des critiques. L'opposition socialiste et les nationalistes basques ont demandé «plus de transparence» à l'exécutif, qui privilégie depuis le début la thèse de la responsabilité de l'organisation basque armée ETA et considère comme «peu crédible» la revendication des attentats par les «Brigades Abou Hafs al-Masri/Al-Qaîda» dans le quotidien paraissant à Londres, Al-Qods al-Arabi. Hier, à Madrid, des manifestants scandaient le même slogan : «Avant de voter, nous voulons toute la vérité.» Le mot d'ordre ambivalent choisi par le gouvernement pour cette manifestation de rejet du terrorisme, convoquée par l'exécutif, a également été vécu comme «une imposition» au Pays Basque, car en Espagne, le slogan «pour la Constitution», scandé lui aussi lors des manifestations qui avaient drainé plus de 8 millions de personnes, est lourd de signification pour les nationalistes basques et les républicains catalans, qui y voient une man?uvre de l'exécutif contre toute revendication vers davantage d'autonomie des régions et donc une victoire assurée des conservateurs. Unanimes à saluer l'ampleur de la réaction, les journaux espagnols n?étaient pas d?accord sur l?origine de l?attentat. Si ABC (conservateur) ne s?est pas offusqué à affirmer que le quadruple attentat porte la signature de l?ETA, le quotidien El Mundo a estimé que José Maria Aznar «sait qu'en termes politiques, cela ne donne pas la même chose que le massacre du 11 mars soit l'?uvre de l'ETA ou d'Al Qaîda. Dans le premier cas, il aurait beaucoup de choses à dire. Dans le second, beaucoup à taire». Dans la logique d?El Mundo, si Aznar veut faire «porter le chapeau» à Batasuna, c?est pour en tirer par la suite de gros dividendes politiques en resserrant l?étau sur ceux qui réclament l?autonomie des régions alors qu?à l?opposé, la piste d?Al-Qaîda voudrait clairement dire que l?Espagne est en train de payer cher son implication directe en Irak. C?est pour cette même raison, peut-être, que La Vanguardia n?y est pas allé avec le dos de la cuillère en affirmant que l'opinion publique «peut se montrer désemparée, quand elle a l'impression qu'on lui cache l'information pour des raisons uniquement électorales».