Portrait Mouloud Feraoun, tout comme Mouloud Mammeri ou Mohamed Dib, est un pionnier du roman algérien de langue française. Né le 8 mars 1913 à Tizi Hibel, près de Taguemount Azouz en Grande-Kabylie, Mouloud Feraoun est issu d?un milieu familial rural ; il était fils de paysan. A 7 ans, il entra à l?école de Taourirt Moussa, à deux kilomètres de Tizi Hibel. Grâce à une bourse d?enseignement, le jeune Mouloud put étudier au collège de Tizi Ouzou. Puis il entra à l?Ecole normale de Bouzaréah (Alger), où il collaborait à une modeste revue, Le Profane. Nommé instituteur d?abord dans son village natal, en 1935, puis à Taourirt Moussa, en 1946, il devint, en 1952, directeur du cours complémentaire de Fort-National (Larbaâ Nath Irathen), avant de venir en 1957 au Clos Salembier (Alger) où il prit la direction de l?école. En 1960, il entra au Service des centres sociaux, fondé en 1955 par Germaine Tillion dans un but éducatif des milieux algériens défavorisés. Le 15 mars 1962, à quelques mois de la proclamation de l?indépendance de l?Algérie, Mouloud Feraoun fut assassiné. Mouloud Feraoun disparu, il reste, cependant, présent à travers son ?uvre ; notamment sa trilogie qui est le témoin de ce qu?il était, de ce qu?il a pu vivre et de ce qu?il représentait comme valeurs dans une société, la sienne, durant la période coloniale. Mouloud Feraoun a inscrit son ?uvre dans ce courant que nous appelons littérature ethnographique, écrite en général en fonction du lecteur européen. L?écrivain nourrissait le souci de raconter la terre kabyle, de s?attarder sur le détail, de décrire les habitudes, les comportements des siens ; il s?appliquait à mettre en avant sa spécificité ; il mettait l?accent sur sa différence. Face à l?autre, le colonisateur, Mouloud Feraoun se nommait ; il l?interpellait comme pour lui dire qu?il existait. Sa littérature était celle de la nomination et de la différenciation, du «dit» et de l?affirmation. L??uvre littéraire de Mouloud Feraoun est bien connue. Il a écrit trois romans : Le Fils du pauvre (1950), La Terre et le sang (1953), Les Chemins qui montent (1957), mais il a aussi d?autres productions : Jours de Kabylie (1954), un recueil de portraits et de scènes de sa terre natale, ainsi qu?une traduction des poèmes de Si Mohand U M?hand (1960). Son dernier roman, L?Anniversaire, restera inachevé. Il faut ajouter à cela des nouvelles, contes et légendes, un essai et des articles sur des sujets divers. Mouloud Feraoun s?est révélé, à travers ses romans, le «témoin de sa société et le témoin de son temps». Témoin de sa société dans la mesure où il mettait en relief le comportement des siens et leur psychologie ; témoin de son temps dans la mesure où il racontait «l?affrontement entre le passé et le présent, l?ancien et le nouveau ; conflits des civilisations, opposition entre deux modes de pensées?» La trilogie de Mouloud Feraoun est née de ce désir de dire, de raconter, de montrer. Il a écrit : «Je crois que c?est ce désir de faire connaître notre réalité qui m?a poussé à écrire.» Et cette réalité, présente tout au long de sa carrière littéraire, s?attache à la terre natale, la condition humaine en Grande-Kabylie et les travailleurs algériens en France.