Projection n Après deux années de tournage et de prospection entre l'Algérie et les studios parisiens, Z'har a été projeté, hier, au Mougar. La salle a enregistré une affluence acceptable pour la projection de cette œuvre très spéciale. Spéciale oui, un film expérimental qui alterne le film et son propre making-of, un film qui juxtapose réalité et fiction durant 78 minutes. Une œuvre plutôt difficile à cerner et à résumer puisque la base de ce concept est que le film se compose de deux parties bien distinctes. Deux histoires différentes tournées séparément. L'une est réelle et la seconde est une fiction, fruit de l'esprit de Fatma-Zohra Zemmoum. Dans un premier temps, l'équipe de tournage munie de moyens minimes part en prospection à la recherche de décors et de lieux de tournage pour la fiction qui était déjà ficelée dans la tête de la réalisatrice. Cette vadrouille dans l'Est algérien a été filmée et fait office de making-of. La seconde partie du film, la fiction, se passe en 1997 et tente de faire ressortir l'Algérie des années 1990.Pour ce faire, trois personnages parlent d'eux-mêmes au début du film, à savoir Alia, Cherif, et Farid. Alia, interprété par Fdila Belkeble, photographe vivant à Paris, qui doit rentrer à Constantine soutenir son père malade, le désordre qui planait sur les vols vers l'Algérie à l'époque l'a fait atterrir en Tunisie et l' a obligé à rallier la ville des Ponts par route ; Cherif, ou Kader Kada, écrivain algérien vivant en Tunisie qui apprend son propre décès par la presse algérienne ; Et Eddy Lemmar dans le rôle de Farid, chauffeur de taxi faisant la navette entre Tunis et Constantine. Une fois ce tableau dressé, les trois personnages se rencontrent à Tunis et embarquent dans le même taxi qui rentre en Algérie. Et c'est de cette rencontre et des périples que les personnages vont rencontrer en route qu'émanent toutes les allusions à la situation du pays à cette époque. On y voit l'écrivain déboussolé, ayant perdu tous ses repères, allusion à toute une famille artistique et une classe intellectuelle qui subissait le même sort lors de cette décennie. On y découvre aussi un chauffeur de taxi aussi bavard et frustré qu'assoiffé d'horizons meilleurs à l'image de tous ceux qui ont essayé de quitter le pays par tous les moyens. Ces écorchures se feront sentir tout au long du trajet menant à Constantine, sans oublier qu'en alternance, on regarde ce documentaire qui ressemble à un carnet de voyage. Cette œuvre est déjà très consistante, mais l'on doit aussi y ajouter un style cinématographique digne du professeur d'histoire de l'art qu'est Fatma-Zohra Zemmoum. Vu les moyens dont elle disposait, le film ressemble un peu à une œuvre des années cinquante ; trame de fond en noir et blanc, ventilateurs, couleurs décalées, tout y est. Pour ces concepteurs, ce film est déjà une victoire en soi, et après quelques nominations, il rafle le prix du meilleur film de fiction au Festival international des films d'Afrique et des îles. Un bon début pour un concept expérimental en attendant que son avenir se dessine.