La projection de ce film saisissant à plus d'un titre, a été dédiée à la mémoire du comédien Larbi Zekal. Film hybride, réalisé avec un budget très bas, la réalisatrice a eu l'audace de faire un objet filmique non identifié. Une sorte de docu-fiction bien original. Une gageure, car quand on le découvre pour la première fois, l'on se sent d'emblée dérouté, saisi, déstabilisé. D'aucuns éprouvent un sentiment d'agacement, voire ne l'aiment pas. C'est leur droit, mais au fil des séquences, le public rit à gorge déployée. Et le contenu prend enfin le dessus sur la forme. Z'har le film de Fatma-Zohra Zaâmoum est une oeuvre artistique improbable qui raconte la tentative presque surréaliste de la réalisatrice de faire un film. Août 2007, Fatma-Zohra demande à son frère Omar de l'accompagner sur les décors d'un film en préparation. Son histoire remonte à il y a une dizaine d'années. Ce film lui tient à coeur parce qu'elle y aborde les problèmes de violence qui ont secoué l'Algérie, mais elle ne trouve pas les financements pour le réaliser. «Supposons que les problèmes d'aujourd'hui nous feront oublier ceux d'hier», s'interroge-t-elle dans le film. «Militant» comme elle le dit si bien, ce long métrage l'est donc, plutôt deux fois qu'une. D'abord par le propos traité, ensuite car réalisé avec deux, trois fois rien! «Nous l'avons réalisé avec un budget d'un court métrage», a tenu a révéler Fatma-Zohra Zaâmoum lors de la présentation du film, lundi dernier à la salle El Mougar. Aussi, dans Z'har ses personnages imaginés feront l'objet d'une partie réalisée dans un studio en France, tandis que les scènes de repérage, autrement le making of du film lui-même sera la seconde partie, mais le tout entremêlé. Pendant le voyage qui la mène, avec son équipe, elle et son frère, sa cousine et son mari, se dessine une hypothèse de fiction, ou plutôt un rêve de fiction matérialisé sous nos yeux par le truchement d'une rencontre croisée de trois personnages éprouvés que le destin n'a pas épargnée. Trois protagonistes dont la malchance les conduira, au mauvais endroit, au mauvais moment. La belle et mystérieuse Alia, sobrement interprétée par Fadila Belkebla, est une photographe algérienne vivant en France débarquant en Algérie après 20 ans d'absence, afin de rejoindre son père malade, à Constantine. Chérif Dahmani alias Kada Kader est un écrivain désabusé ayant appris sa propre mort dans les journaux et enfin un chauffeur de taxi habitué de la ligne Tunis/Constantine, aigri auquel la vie, vraisemblablement, n'a pas fait de cadeau.1997, aux frontières algéro-tunisiens. Si l'un veut rejoindre El kef, l'autre veut arriver à Constantine, mais entre un point et autre, beaucoup d'obstacles vont compromettre ce voyage hypothétique. Z'har se déclinera ainsi comme un road movie bizarre et insaisissable. Le temps semble arrêté. Le public étouffe parfois sous le poids d'un rythme lent. Pathétique. La caméra de Fatma-Zohra Zaâmoum, accentue sciemment les plans sur les visages des comédiens pour mieux faire jaillir leur sentiments de malaise et de désarroi. D'isolement et de solitude. Deux âmes en peine perdues dans un no man's land vont faire une partie de la route ensemble. Au milieu de cette bluette romantique, la réalité est là, implacable. Victime au bord de la route -un conservateur d'un musée, agressé par les terroristes- état d'urgence, couvre-feu sont des signes qui ne trompent pas. Nous sommes bel et bien en 1997. Deux grands acteurs se sont prêtés au jeu pas si facile de ce film peu ordinaire. Une gageure à saluer car ce film, bien qu'étrange, ne laisse pas indifférent...De Tebessa à Constantine en passant par Sétif, se nouent les relations humaines et font dévoiler leurs véritable visages, ce qu'on a dans le ventre, entre courage et veulerie. Comme sur les planches d'un théâtre, les trois comédiens refont la comédie humaine à forte concentration psychologique. Arrêt sur images, lumières sur les corps et les regards..Z'har nous plonge au coeur de la tourmente algérienne, pas si éloignée que ça. Femme orchestre, la réalisatrice Fatma-Zohra Zaâmoum a dû tout faire, toute seule. Non seulement elle a joué dans son propre film, mais s'occuper aussi de la production, devenir technicienne sur le plateau... Bref, Z'har, a finalement pu voir le jour. Mais ce qui nous laisse songeurs est la phrase de l' écrivain à la fin du film: «Des armes, mais ce sont nos valeurs? Pourquoi j'écrivais? Quel gâchis!» Et si tout recommencait? semble sous-entendre l'auteur de (la) Pelote de laine. Film éblouissant et méditatif, Z'har est intéressant à plus d'un titre. Plus qu'une peinture de l'Algérie, ce film dessine les géographies intérieures de l'être humain entre dépassements et limites. Fatma Zohra Zaâmoum entamera bientôt le tournage de son prochain film. On l'attend déjà avec impatience.