InfoSoir : De plus en plus de parents optent pour l'usage exclusif d'une ou plusieurs langues étrangères avec leurs enfants. Quelle explication donnez-vous à cela ? Mme Asselah Rahal Safia : Attention, il ne faut pas généraliser. Ce que vous avez constaté existe sans doute dans certains milieux socioprofessionnels et socioculturels. Je ne crois pas que de nombreux parents utilisent une langue étrangère au détriment de la langue maternelle. On ne peut pas avancer une telle affirmation sans avoir fait au préalable de sérieuses enquêtes sur le terrain. De plus, je pense que lorsque vous parlez de langues étrangères, il s'agit principalement du français. Si cette langue existe dans le paysage linguistique algérien, son statut reste néanmoins ambigu. Ce phénomène observé surtout dans les centres urbains gagne les petites villes... J'insiste pour dire qu'il faut d'abord faire des enquêtes de terrain. Est-ce là votre constat ? Je doute que des parents qui ne parlent que l'arabe dit algérien ou le kabyle recourent au français, même si cette langue est fortement ancrée dans la société algérienne, ou bien l'anglais pour communiquer. Quel impact peut avoir un tel engagement sur le modèle sociétal algérien dans les années à venir ? Je n'ai pas de réponse à votre question. A l'heure actuelle, nous nous intéressons de plus en plus aux langues de «départ» et aux compétences plurilingues pré-acquises des apprenants dans leur contexte familial et social, car celles-ci doivent jouer un rôle essentiel dans l'appropriation d'une autre langue en milieu scolaire. Peut-on parler de l'existence de «sociétés dans la société» ? On peut parler de sociétés plurilingues et pluriculturelles. Pour nous, il est fondamental de dialoguer avec les parents et la société en général pour arriver à faire admettre la pertinence d'une nouvelle éducation à la pluralité linguistique et culturelle. * Professeur au Département de français à l'Université d'Alger et Chercheur au CREDILIF (Centre de recherche sur la diversité linguistique et littéraire de la francophonie) à l'université Rennes 2.