Portrait Safia s?est mariée il y a sept ans, elle est mère de deux adorables poupons. Pour de nombreux handicapés, le mariage reste un rêve. «Mounir est une lumière qui réchauffe ma vie», confie Safia, 38 ans, mère de deux enfants. Ses grands yeux noirs d?adolescente brillent de passion et de bonheur. Assise sur le rebord du lit, d?un geste vif, elle embrasse son fils Amir, qui dort profondément. «Mes deux enfants sont ma vie ! Lamia et Amir, je les aime plus que tout». Handicapée depuis l?âge de 5 ans, Safia marche difficilement, elle perd parfois le contrôle de ses mouvements. Certains muscles de ses pieds sont morts, s?est une séquelle de polio. «Je boite. Je ne peux maîtriser mon équilibre. Je dois monter des escaliers en m?appuyant sur quelque chose, je ne peux escalader les grandes marches. Je me fatigue facilement aussi». Safia raconte qu?elle a terriblement souffert du regard des autres, de leur attitude face à sa maladie, de cette incompréhension choquante et aberrante. «Mes parents m?ont encouragée à étudier, mes frères et s?urs ont toujours adopté un comportement ordinaire à mon égard. Mais dès que je sortais, j?affrontais le mépris. Parfois des remarques désobligeantes.» La jeune maman se souvient encore des insultes blessantes de ses camarades de classe, plus tard de ses copines d?université et des inconnus qui s?arrêtaient dans la rue juste pour voir sa démarche ou la commenter. Certains se moquaient, d?autres riaient, rares ceux qui étaient indifférents. «Boiteuse», «tu ne pourras jamais te marier», «qui voudra d?une handicapée». En relevant sa longue chevelure, elle ajoute : «Il m?est arrivé de tomber. Je voyais certains rire. Pourtant, j?avais besoin que l?on me tende une main pour me relever. C?est dur ! J?ai trop pleuré un certain moment de ma vie, on ne se gênait guère pour me blesser. Mais, je n?ai pu vivre qu?à partir du jour où j?ai décidé de m?imposer.» Licenciée en philosophie et en littérature française, Safia a exercé dans une entreprise publique comme secrétaire de direction, mais elle a dû interrompre sa carrière pour s?occuper de son foyer. Elle se tait un moment, puis enchaîne : «Mes beaux-parents n?ont pas consenti à mon mariage, ils ont tenté de dissuader Mounir d?épouser une malade, alors qu?il était en bonne santé. Mais, cela ne l?a pas arrêté. Il m?aime pour ce que je suis, une femme comme les autres. Mon handicap ne m?empêche pas d?aimer, d?être une maman !»