Scène n Le 2e Festival international du théâtre d'Alger (FITA) s'est ouvert jeudi, au Théâtre national. Il s'étalera jusqu'au 25 octobre. Au programme de la cérémonie d'ouverture, le public a, dans un premier temps, apprécié un spectacle sur l'esplanade du TNA, où les arts populaires algériens et d'autres pays d'Afrique se sont croisés. Puis, dans un deuxième temps, a été présentée une lecture poétique, en arabe et en français, d'extraits de l'ouvrage Le Loup blanc, de Abderrezak Boukeba. Le groupe Ferda a, ensuite, interprété quelques-uns de ses plus jolis textes, puisés dans le patrimoine de la région des Kenadsa. Par ailleurs, ont été honorés des hommes de théâtre : Kamal Pacha (Palestine), Abderrahmane Benzidane (Maroc), Abdelkrim Habib (Algérie), Messaoud Ghassam (Syrie), Fernando Arabal (Espagne). Un hommage posthume a été aussi rendu à l'homme de théâtre Hadj Omar, qui est monté sur les planches en 1943 et dont une salle du TNA porte le nom. Des prix d'encouragement ont été attribués à Youcef Taouint, jeune comédien au Mouvement théâtral de Koléa et à Hadj Smaïn Mohamed Seghir, l'un des doyens du Théâtre algérien. Plus tard, dans la soirée, le théâtre du Nô, théâtre traditionnel japonais, a donné le coup d'envoi des représentations : un décor minimaliste. Une scène stylisée. En arrière-fond, un tissu sur lequel figure une peinture représentant un arbre. Devant, la scène est recouverte d'un tapis ; c'est l'espace scénique, là où l'action théâtrale devait se dérouler. De chaque côté sont dressées des colonnes qui semblent s'élever métaphoriquement vers la voûte céleste, délimitant ainsi l'espace scénique, circonscrivant l'action dans un espace clos. L'action théâtrale mêle chants et gestuelle solennels, auxquels vient s'ajouter une chorégraphie dans le style traditionnel, empreinte de théâtralité. Une dramaturgie se déroulant tel un rituel, une cérémonie associant le sacré au profane, le réel au légendaire. L'onirisme y est. La pièce présentée avec autant de beauté que de poésie raconte l'histoire d'une déesse qui, après avoir quitté les cieux, le monde des dieux, pour le monde terrestre, celui des hommes, prend son bain dans une source d'eau, mais une fois qu'elle a fini son rituel, elle constate que son vêtement a disparu : on le lui a volé. Triste et désemparée, elle ne sait que faire. C'est à ce moment-là qu'un homme croise son chemin ; et après s'être renseigné sur sa situation, il lui propose de retrouver son vêtement à condition qu'elle lui apprenne la danse des dieux. L'accord est ainsi conclu, et la déesse retourne à la demeure des dieux et le mortel finit par égaler, sur un point, les divinités célestes, en exécutant à la perfection leur danse. La pièce est aussi bien métaphorique que démonstrative : elle nécessite de ce fait de l'imagination et de la sensibilité, toutes deux réunies aident à la compréhension du spectacle. Chaque geste renferme une symbolique, une image, une référence, un signe ou encore un indice. Le geste exprime un sentiment, une idée que l'on peut interpréter en faisant appel à notre sensibilité. Le jeu relève de l'abstrait. «Le Nô est un théâtre dramatique ayant vu le jour au XIIIe siècle», expliquera Yoshiya Amitani, attaché culturel à l'ambassade du Japon, et de poursuivre : «Ce théâtre est hautement stylisé, chanté et dansé, joué le plus souvent masqué, dans lequel la beauté du mouvement et de la voix est à son point culminant.» Ainsi, la particularité du Nô est qu'il est joué avec des vêtements traditionnels et que les protagonistes portent un masque. C'est aussi un théâtre chanté et dansé. On a pu constater également que le Nô repose essentiellement sur la tradition orale : le Nô est en effet l'expression directe de la tradition orale ; celle-ci s'exprime à travers notamment le chant, évoquant aussi les mythes et les croyances ancestrales, comme il fait appel aux rêves, ce théâtre est aussi le véhicule du patrimoine matériel, tel que le vêtement traditionnel, le masque, qui, lui, occupe une place importante dans l'action théâtrale. Interrogé sur le rôle que joue le Nô, Yoshiya Amitani répond : «Il permet de préserver le patrimoine dans sa diversité, aussi bien matériel qu'immatériel. Il se réfère à la culture séculaire et à l'authenticité japonaise. Il exprime les rites, les cérémonials, les légendes et les croyances populaires, ainsi que notre imaginaire et sensibilité. Il faut rappeler que le Nô est un genre théâtral classé patrimoine par l'Unesco.» A la question de savoir si le Nô a changé, et ce, depuis sa création à nos jours, Yoshiya Amitani dit : «Non pas vraiment. Le Nô est resté authentique, intact, comme à ses débuts. Il n'a pas changé. Ce qui fait d'ailleurs son originalité et sa particularité. Il a su garder son ancestralité.»