Résumé de la 1re partie Smara, 1930. Pour les Européens, la cité n?existe pas, ce n?est qu?une légende. Michel Vieuchange, 26 ans, décide qu?il sera le premier à y entrer. C?est ainsi que Michel appelle son aventure : un raid, terme sportif qui exprime la rapidité, le record, la témérité, la victoire et l?indépendance. La petite caravane chemine jusqu?au milieu de la nuit, puis c?est la halte pour reposer les bêtes fourbues. Elle repart avant l?aube, Michel suivant toujours sous son déguisement de femme berbère. Malgré la chaleur qui va naître, ils savent qu?ils doivent marcher tout le jour. L?important est qu?ils soient le plus vite possible dans la zone dissidente du Rio de Oro, que personne ne les voie venir du Sud marocain et que personne ne les en soupçonne. Aussi, cette première journée est-elle épouvantablement longue. Personne ne parle, personne n?en a envie. Les hommes et les animaux ne font que marcher, chacun perdu dans ses pensées. Plus exactement, personne ne pense plus : marcher dans le désert est une façon de dormir debout. En début d?après-midi, une barrière montagneuse émerge dans la brume de chaleur. Le guide barbu se laisse un instant dépasser par la caravane, le temps de dire à Michel : «Nous y sommes.» A partir de là, cela devient dangereux. La zone dissidente étant le théâtre de luttes continuelles entre les tribus, ils peuvent, à tout instant, rencontrer l?une d?elles, qui ferait peu de cas de leur neutralité. Au milieu de l?après-midi, rejoignant une grande caravane, ils trouvent plus sûr de faire route commune avec elle. Michel, pour éviter d?être démasqué, doit surveiller ses attitudes et sa démarche. Après un repas frugal, lorsque le soleil se couche, la caravane se fragmente en petits campements. Michel se retrouve à l?abri des regards. Il s?étend pour dormir, sentant la fraîcheur arriver, avec le début de la nuit, sur ses pieds nus dépassant de la robe de femme. Le silence est si parfait que parviennent jusqu?à lui, venues de la montagne, les invocations sacrées d?un marabout. Michel est impressionné par la gravité de ce chant : comment ces gens peuvent-ils être aussi sûrs de leur croyance ? Fanatisme dangereux, mais aussi certitude tranquille. Quelle différence entre eux et lui : il veut connaître Smara parce que c?est inconnu, loin et difficile. Tandis qu?eux incluent tous leurs rêves, tous leurs espoirs, tout l?inconnu dans leur vie de chaque jour. Michel, entendant ce simple chant dans la nuit sur la route de Smara, a le sentiment d?une révélation. Les jours suivants, du 12 au 21 septembre, il marche toujours. D?après le guide, ils sont encore loin de Smara. Depuis deux jours, le pays a changé d?aspect : roches, défilés chaotiques, montagnes noires. Ils ont abandonné la grande caravane. Maintenant, ils cheminent au bord d?un ravin profond. Ils cherchent l?eau à tout prix. Un sentier naturel descend dans les gorges. Ils le suivent, devant pousser, tirer les dromadaires et les ânes qui renâclent. Il faut les frapper pour qu?ils continuent. Dans le lit pierreux du fond, au milieu des roseaux, ils trouvent une mare dont les bords inclinés sont de plates roches usées. A plat ventre, Michel boit cette eau qui sent la vase. A cause de l?étroitesse du défilé, le soleil ne reste pas longtemps dans ces profondeurs. Il y fait frais, et comme le jour baisse, très sombre. Michel enlève ses babouches et ne peut résister à l?envie de tremper un instant ses pieds endoloris. Les autres membres de la petite caravane restent plusieurs minutes à barboter. En s?aplatissant pour boire, les voiles de Michel ont glissé, le laissant tête nue. Les femmes se poussent précipitamment du coude : «Argaz ! (un homme !)». (à suivre...)