Douleur Les enfants dessinaient la mort et utilisaient la couleur rouge sang comme s?ils pensaient tous de la même manière. Il fait très chaud à Boumerdès et cette canicule du mois de juillet alourdit l?atmosphère rendant l?air presque irrespirable. Un regard sur cette carcasse de ce qui fut, il n?y a pas si longtemps, la demeure de ces malheureux petits anges assis sur du parpaing. Un spectacle terrifiant, que le petit Hossam, tout comme d?autres gamins assis plus loin, ne pourra sans doute pas oublier de sitôt. Le bâtiment n°46 de la tristement célèbre cité 1200 Logements est en passe de céder. Non pas par la force d?une réplique, mais par celle des ingénieurs allemands et de leur gros engin à ciseau, tranchant les piliers un par un, une image qui risque de rester longtemps gravée dans les esprits. À côté, au camp de sinistrés 1200 Logements, 128 familles sont installées. Presque personne en vue sous ce soleil brûlant à cette heure de l?après-midi, seuls quelques malchanceux s?emploient à remplir les jerricans d?eau. «Les robinets sont à sec et l?eau ne coule que la nuit», dira un sinistré. À droite à quelques pas de la tente des responsables de la solidarité, derrière des arbrisseaux, un enfant jette de l?eau sur son corps frêle. Le gamin prend sa douche à l?air libre. Interrogé sur ses activités quotidiennes, il répond : «Je ne fais que dessiner et lire des livres à la bibliothèque qu?ils nous ont installée.» Les loisirs ? «On se déplace parfois à la plage pour faire quelques plongeons entre copains, mais hormis ce divertissement, nous n?avons rien d?autre. On ne nous a même pas offert des ballons de football», explique-t-il avec un regard poignant de tristesse et de frustration. 14 h 10. La carcasse de l?immeuble n° 46 cède dans un immense nuage de poussière. Des habitants munis de caméscope immortalisent la scène. Les bambins l?air étonné s?affolent, puis se ressaisissent. Les séquelles du 21 mai sont toujours aussi indélébiles. A quelques mètres de la plage, au site du stade de l?OMS, M. Kamel Abla, l?administrateur du site, déclarera que sur un total de 323 familles, environ 666 enfants ont moins de 18 ans : «Pour nos enfants, nous avons aménagé des salles pour des séances d?animation culturelles avec la collaboration des scouts musulmans», précise-t-il. Le stade en gazon naturel a été, lui aussi, mis à la disposition des sinistrés et abrite, très souvent des tournois intercamps. «Vous n?avez qu?à venir le soir afin de constater de vous-mêmes la prise en charge des enfants et le traitement qu?on leur réserve chaque jour. Ils n?ont même pas le temps de se reposer et encore moins de se remémorer le mercredi noir et les nuits cauchemardesques qui ont suivi.» «Une bibliothèque a été installée alors qu?un bibliobus est stationné à l?intérieur du site et offre divers ouvrages aux enfants», ajoute le responsable du site. Assise dans un bureau, une éducatrice spécialisée raconte les premiers jours : «C?est d?abord le dessin qui a attiré les enfants sinistrés. Les gamins voulaient à tout prix dessiner quelque chose. Ils demandaient du papier et un crayon pour exprimer leurs douleurs et le fond de leur c?ur», ajoute notre interlocutrice tout en faisant remarquer que les «dessins libres» traitaient les souffrances que les habitants ont subies. «Les dessins traitaient le même sujet. Des habitations détruites et des habitants enfouis sous les décombres. Les enfants dessinaient la mort et utilisaient la couleur rouge sang comme s?ils pensaient tous de la même manière.» - 40 enfants ont séjourné à Mostaganem du 1er au 15 juillet à l?initiative de la wilaya de Aïn Defla. l 24 autres sont à Skikda pour une période de 15 jours à l?initiative de la Sonatrach. Elle a fugué à 13 ans De sources sûres, on a appris qu?une adolescente de 13 ans, qui a perdu ses parents à Boumerdès à la suite du seisme du 21 mai, a pris la clef des champs. Tout a commencé lorsque l?adolescente a été placée chez sa tante à Blida. Mais au bout d?une journée, cette dernière lui intime l?ordre de quitter les lieux. Ce qu?elle a fait immédiatement. Depuis, la jeune orpheline n?a plus donné signe de vie.