Passion n Rahma Benhamou el-Madani est réalisatrice. Elle est versée dans le film documentaire. Dans cet entretien, elle revient sur ‘Tagnawittude' qui, projeté dernièrement au Mougar, aborde les divers aspects de la culture gnawie, ses rites et son cérémonial. InfoSoir : Pourquoi ce film ? Rahma Benhamou el-Madani : Ce film c'est un peu mon histoire personnelle. J'ai rencontré l'esprit gnawa très tôt quand j'étais petite fille, et que je voyais régulièrement ma mère pratiquer la transe. Elle entrait lentement dans cette attitude extrême jusqu'à oublier le monde extérieur et ses limites. Je revoyais ces pratiques assez souvent au Maroc dans des lieux différents, et je restais comme marquée par ce glissement dans un monde qui m'échappait. J'en oubliais la rationalité du monde occidental où je vivais. Nous savons que les Gnawa vivent en communauté et que les rites sont réservés aux initiés. Comment y avez-vous été introduite ? Ma mère a été initiée à cette transe par le passage des Gnawa dans le village algérien où nous vivions à l'époque. Cette tendance presque païenne m'a toujours paru un peu illicite tout en étant permise. Cet intérêt pour la transe vous est venu bien plus tard. Quel en a été le déclencheur ? Ces transes sont assez spectaculaires et les personnes qui y recourent, évoquent souvent des raisons médicales : leur âme réclame cet oubli pour guérir, mais comment se retrouve-t-on emporté par ses sons ? Je l'ai appris des années plus tard à travers un film qui m'a laissée perplexe : ‘Un thé au Sahara', une adaptation du livre de Bowles par Bernardo Bertolucci. Nous voyons aussi un grand intérêt pour le groupe Gnawa Diffusion qui n'a pourtant aucune relation avec la transe. Comment expliquez-vous cela ? Des années ont passé. Un jour, lorsque je travaillais dans une radio locale, j'ai reconnu ces sons dans un disque que j'ai reçus. Il s'agissait d'un groupe qui portait le nom de Gnawa Diffusion. J'ai d'abord été attirée par le nom. La musique était un mélange, une fusion entre la musique Gnawa et des musiques modernes et occidentales. Les paroles étaient engagées. La musique Gnawa est tendance aujourd'hui. De nombreux musiciens d'origines diverses marient cette musique à des instruments occidentaux et modernes. Les concerts Gnawa ne désemplissent pas. Il existe aujourd'hui un réel engouement pour cette musique. La transe est plus douce, mais elle existe. Le public vient chercher cette fuite, cette possibilité de visiter un monde mystérieux. Comment expliquer ce phénomène qu'est la transe ? Bien évidemment ça reste la question que je pose à tout le monde tout au long du film. Les intervenants tels qu'Amazigh Kateb ou Abdelaziz Maysour sont des artistes qui, eux aussi, ont côtoyé cet univers et y puisent leurs inspirations musicales. Sans oublier que ce sont des initiés qui nous ont présenté et introduits dans des Hadras au Maroc et en Algérie. Filmographie de Rahma Benhamou el-Madani - Emotion d'une rencontre, création vidéo, 15'04, 1998. - Tais-toi et parle, documentaire, 50', 1999. - Du côté de chez soi, documentaire, 56'30, 2003. - Je suis sur la route, documentaire, 29' et 50', 2005. - Plus fort que tout le reste, fiction, 13', 2005. - Je suis chez moi, documentaire, 61', 2007. - Tagnawittude, documentaire, 80' et 52', 2010. - Omanie, documentaire en développement, 52 mn. (Tournage prévu en 2011) - La chute de Chulan, long métrage fiction, En écriture.