Projection n Depuis l'arrivée sur scène de groupes tels que Gaâda Diwan Béchar, Gnawa Diffusion, ou encore El-Ferda il y a près de quinze ans maintenant, la musique gnawie fascine et suscite un engouement toujours croissant. Tagnawittude, un documentaire de Rahma Benhamou El-Madani, qui aborde les divers aspects de la culture gnawie, a été projeté, hier, en avant-première, à la salle El-Mougar, devant un public nombreux et majoritairement initié à la culture gnawa. Cet intérêt pour le tagnawit, Rahma Benhamou El-Madani le tient de sa mère qui assistait à ces rites et l'emmenait avec elle durant son enfance. Une fois adulte, elle veut expliquer ce phénomène de transe qui suscite tant de questions. Tourné entre la France, le Maroc et l'Algérie, ce documentaire de 80 minutes tente d'apporter des réponses en s'adressant aux groupes de musique gnawie tels que Gnawa Diffusion ou encore Gnawa Aubervilliers. Mais le spectateur algérien, comme le Marocain, sait que les réponses se trouvent à la source au Maroc et en Algérie et que ce genre de groupe se limite en vérité au volet musical de la chose. C'est donc une fois le film passé à l'étape des Hadras marocaines qu'il prend tout son sens, là on peut voir ce qu'est la transe et comprendre comment les gnawa croient guérir grâce à la musique. Des rythmes insoutenables, des sonorités poignantes, de l'encens, des esprits et des malaises. Tels sont les ingrédients de la Lila, une nuit où les gnawa chantent leurs saints et leurs esprits au son des tambours, gombris et karkabous. La croyance veut que celui qui y assiste et dont l'âme souffre, sera possédé par l'un des sept esprits invoqués, il entrera en transe et chacun a sa façon d'y entrer. Le malade dansera couvert d'un châle ou d'un habit à la couleur de l'esprit invoqué. Et il tombera soulagé de son mal à la fin du morceau musical. Plusieurs rites du genre ont été montrés dans ce documentaire très bénéfique à tous points de vue puisque la vie des gnawa reste un grand mystère pour nombre de fans de musique gnawie. Sans parler du secret qui entoure ces pratiques ancestrales jalousement gardées des siècles durant par des familles partout dans le Maghreb. Il en existe à Alger, à Sidi Bel Abbes, à Constantine, à Béchar et dans beaucoup d'autres villes du pays. Pourvu que ce film soit un support médiatique bénéfique à cette culture restée pure durant cinq siècles. Comme le dit si bien l'un des poèmes de ce patrimoine, «Messieurs ne prenez pas le tagnaouit comme un jeu, ne soyez pas hautain avec nous, les premiers maîtres l'ont consacré et conservé puis transmis pour faire régner la joie, et pour soigner». Le gnawi est plus qu'une musique. Ce sont aussi des rituels de grandes familles gnawa, une culture et une communauté. On s'ouvre alors au tagnawit. Qu'est-ce que le tagnawit ? L'histoire d'un peuple déraciné et réduit à l'esclavage au profit du royaume marocain. Une histoire vieille de plus de cinq siècles, et dont les stigmates se font encore sentir aujourd'hui. La vie gnawa est un rite continu, et c'est de là que vient cette fascination, toute la culture est puisée dans l'histoire et les croyances de cette communauté. A notre époque les gnawa se sont dispersés en Afrique du Nord et surtout au Maghreb. Leur culture et leur présence sont beaucoup plus marquées au Maroc et en Algérie. Le rituel gnawi, la Lila, Hadra, Derdba, les noms diffèrent selon les régions, mais le principe est le même. Une tradition montée sur la musique et la danse gnawies, les croyances religieuses musulmanes et africaines où se mêlent les saints et les esprits, et aussi sur la transe El Hal. C'est pour cela qu'ils fascinent autant et que cette transe a fait l'objet de la problématique d'un film documentaire réalisé par Rahma Benhamou El-Madani.