«Tagnawittude», un nouveau film documentaire réalisé par la cinéaste algérienne Rahma Benhamou El-Madani, sera présenté en avant-première le 29 septembre prochain à Paris. D'une durée de 80mn pour «Tagnawittude» et 52mn pour «les enfants de la transe», ce documentaire qui aurait pris plus de quatre ans à la réalisatrice, «entre écriture, tournage et réflexion», a été tourné en France (Roubaix, Grenoble et Paris) en Algérie (Sidi Bel-Abbès et Alger) et au Maroc (Essaouira). Sa production a été assurée par la société «Pleins cadres» avec le concours de trois autres -All Cuts Studio (Kevin Hamon, France), Lotus Films (Rachid Diguer, Algérie) et Awman production (Mohamed Nadif, Maroc)- ainsi qu'avec l'aide du Centre National de la Cinématographie et du Fond audiovisuel de l'Organisation de la Francophonie. Les acteurs mis à contribution dans ce film sont en fait des artistes amateurs et professionnels versés dans le genre gnawi ainsi que de simples figurants pris sur le vif d'une séance cathartique. Il s'agit entre autres d'Amazigh Kateb, Pierre Feugier et Aziz Maysour du groupe Gnawa Diffusion ainsi que du regretté Maalem Ben Issa (Benaïssa Bahaz) de Diwan D'Zair. Pourquoi une œuvre cinématographique dédiée spécialement au genre musical gnawi et à la transe? Dans le dossier de presse du film, la réalisatrice concède que le projet est lié en fait à son histoire personnelle. «J'ai rencontré l'esprit Gnawa, écrit-elle, de très bonne heure… quand j'étais petite fille, et que je voyais régulièrement ma mère pratiquer la transe. Elle entrait lentement dans cette attitude extrême jusqu'à oublier le monde extérieur et ses limites. Je revoyais ces pratiques assez souvent au Maroc dans des lieux différents, et je restais comme marquée par ce glissement dans un monde qui m'échappait. J'en oubliais la rationalité du monde occidental où je vivais. Ces transes sont assez spectaculaires et les personnes qui y ont recours évoquent souvent des raisons médicales : leur âme réclame cet oubli pour guérir.» «Ma mère, explique encore Rahma Benhamou, a été initiée à cette transe par le passage des Gnawa dans le village algérien où nous vivions à l'époque. Cette tendance presque païenne m'a toujours paru un peu illicite tout en étant permise. Comment se retrouve-t-on emporté par ces sons? Je l'ai appris des années plus tard à travers un film qui me laissa aussi perplexe: Un thé au Sahara, adaptation du livre de Bowles par Bernardo Bertolucci. Des années passèrent. Un jour, lorsque je travaillais dans une radio locale, je reconnus ces sons dans un disque que je reçus. Il s'agissait d'un groupe qui portait le nom de Gnawa Diffusion. J'ai d'abord été attirée par le nom. La musique était un mélange, une fusion entre la musique Gnawa et des musiques modernes et occidentales. Les paroles étaient engagées. La musique Gnawa est devenue tendance aujourd'hui. De nombreux musiciens d'origines diverses marient cette musique à des instruments occidentaux et modernes. Les concerts Gnawa ne désemplissent pas. Il existe aujourd'hui un réel engouement pour cette musique-là. La transe est plus douce, mais elle existe. Le public vient chercher cette fuite, cette possibilité de visiter un monde mystérieux», conclut la cinéaste. Pour rappel, la réalisatrice émigrée Rahma Benhamou El-Madani compte à son actif une série de films documentaires qui ont obtenu un réel succès critique et public en France. C'est le cas notamment de «Tais-toi et parle», «Emotion d'une rencontre», «Du côté de chez soi», «Je suis sur la route», «Plus fort que tout le reste», «Je suis chez moi» et son tout dernier «Tagnawittude». «Oranie» est le titre du prochain film musical qu'elle se propose de tourner prochainement avec la société de production «Plein Cadres» en coproduction déléguée avec un partenaire, All Cuts Studio.