Rencontre La littérature canadienne d?expression française a fait, lundi, l?objet d?un débat, à la Bibliothèque nationale d?El-Hamma. Avant de céder la parole à la conférencière, Yannick Resch, professeur à l?Institut d?études politiques d?Aix-en-Provence et spécialiste des études et littératures canadiennes, le directeur de la bibliothèque, Amine Zaoui, a tenu à préciser : «La bibliothèque tend à s?ouvrir davantage sur d?autres horizons, sur les autres cultures afin de s?inscrire dans l?universalité et la création.» Pour commencer, Yannick Resch a souligné le point de convergence entre les littératures canadienne et algérienne d?expression française. «Les deux littératures privilégient les valeurs ancestrales : la terre et la famille. Ce sont deux littératures qui s?inscrivent dans le terroir», dit-elle. Et d?ajouter : «... toutes les deux se nourrissent des mêmes préoccupations, à savoir le choix de la langue pour écrire, et la question identitaire, ainsi que la prise de parole des femmes.» Yannick Resch préfère parler de la littérature canadienne d?expression française au pluriel plutôt qu?au singulier, car «la francophonie au Canada est plurielle et ne fonctionne nullement de la même manière, chacune présente une spécificité, selon les provinces et les régions, en raison des nombreuses communautés qui, issues des sociétés d?immigrations diverses, composent le paysage géographique et sociale canadien. Viennent s?ajouter aussi à toutes ces collectivités, les groupes sociaux autochtones qui, au contact avec les arrivants, ont créé un important métissage de langues et de cultures». L?écriture se met donc en place, se mélange et se diversifie. Elle devient plurielle. Elle précise aussi que la littérature canadienne est caractérisée par trois aspects : le premier c?est qu?elle est née dans une société d?immigration ; le deuxième, c?est qu?elle est plurielle, et, enfin, le troisième, c?est qu?elle présente des convergences thématiques. Une fois ces trois caractéristiques définies, l?on peut alors faire une approche de ces différentes littératures qui font la particularité de la «littérature» canadienne, en les replaçant dans leur contexte géographique, historique, social et culturel. Yannick Resch explique, par ailleurs, que jusqu?en 1940, la littérature canadienne d?expression française privilégiait le chant de la terre et les valeurs familiales, elle était foncièrement inscrite dans le terroir ; puis, au-delà, l?espace urbain, la ville, a investi l?imaginaire littéraire des écrivains canadiens. Plus tard, et vers les années 1960, le registre linguistique s?ouvre sur les autres langues, sur les autres parlers. Il s?enrichit et se développe. «Les écrivains canadiens ont travaillé pour donner à la langue du corps, du caractère, lui insuffler de l?authenticité, l?inscrire dans la canadienneté», explique-t-elle, ajoutant que «la langue devient ludique, caractéristique». Ensuite, et dans les années 1980, les écrivains canadiens allaient à la rencontre de l?autre (Américain et Américain du Sud), pour y chercher d?autres racines identitaires, de nouvelles formes d?esthétique et d?autres mythes. A cet effet, Yannick Resch conclut : «Notre littérature est une littérature dialogique. En s?ouvrant sur d?autres voix, sur la diversité linguistique, elle s?assimile à d?autres accents, à d?autres pratiques langagières. Elle joue comme un espace d?échange et de dialogue. Elle propose des discours nouveaux et universels. La littérature canadienne se situe par rapport aux différentes instances francophones et américaines. Elle se veut soi et l?autre à la fois.»