Misère n Fuir le chômage à tout prix quitte à dormir dans des conditions lamentables et côtoyer les cafards, les rats et aussi une saleté insupportable. Trouver un emploi à Alger ne constitue guère une difficulté même pour ceux qui ne possèdent pas d'expérience. Mais si les recruteurs ne manquent pas, les conditions d'accueil et d'hébergement des travailleurs, toutes professions confondues, restent encore des plus misérables. A les entendre décrire les lieux où ils passent leurs nuits, le récit de ces travailleurs qui font marcher la machine économique d'Alger fait froid dans le dos. Yacine, la trentaine, relate sans complexe : «Je suis serveur dans un restaurant du côté de l'ex-rue de Tanger moyennant un salaire de 9 000 DA sans aucun contrat ni assurance sociale. Je travaille presque dix heures par jour. A la fin du service, on nettoie la salle et on déploie nos matelas pour dormir. Nous sommes à six à partager cet espace, une fois tables et chaises mises à côté.» Notre interlocuteur, calme et serein, n'est pas dupe. «Je sais que le chômage et la misère de ma famille sont plus durs que ma situation. Que faire !?», soupire-t-il après avoir conclu que les patrons ne se soucient nullement de leurs déboires et que leur seule préoccupation, c'est de voir leur caisse se remplir chaque soir. Le cas malheureux de Yacine ressemble à celui de nombreuses personnes qui nous servent des repas et veillent au grain afin de nous satisfaire chaque soir avec des formules des plus gentilles. Ainsi, la majorité des serveurs de restaurants, de cafés, de pizzerias et autres commerces passent la nuit à l'intérieur des locaux où ils travaillent sans aucune condition minimale. Paradoxalement, ces travailleurs semblent contents de trouver un patron qui les laisse dormir à l'intérieur du local commercial. Marouane est de cet avis. «J'ai demandé à mon employeur de me laisser dormir dans le local, une boutique de prêt-à-porter, mais il a refusé arguant des raisons de sécurité», explique-t-il. Selon lui, les conditions de son hébergement à l'hôtel sont catastrophiques. «À l'hôtel, je dors avec les cafards et les puces qui me dérangent toute la nuit. Je n'ai même pas droit à une douche, ni à un minimum d'intimité puisque nous sommes quatre dans une étroite pièce», ajoute Marouane qui paye son loyer 4 000 DA par mois. Ce qui n'est pas rien pour quelqu'un qui touche un salaire de 15 000 DA. «C'est pour réduire toutes ces fausses dépenses que je veux m'abriter à l'intérieur de la boutique. Au moins ici, c'est propre», estime-t-il. Selon les nombreux témoignages recueillis auprès de ces jeunes ayant quitté leurs wilayas, où l'emploi se fait de plus en plus rare, les patrons n'ont aucune idée de ce que leurs employés endurent comme difficultés d'hébergement. Une situation qui les pousse, souvent d'ailleurs, à abandonner leurs postes d'emploi au bout de quelques mois.