Référence n Depuis le début du mois de janvier et à travers tout le pays, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, s'aspergent d'essence avant d'allumer le feu. Le cas d'immolation du jeune Mohamed Bouazizi, ce jeune marchand tunisien qui s'est vu confisquer par la police sa marchandise qu'il vendait sans autorisation, a fait aujourd'hui tache d'huile. Ce geste désespéré, à l'origine de la Révolution du jasmin, pour protester contre une injustice sociale criante, est devenu une sorte de symbole de combat, de dignité et même de démocratie. Le suicide de ce jeune chômeur, jusque-là anonyme, à la suite de la discrimination subie, a mis à nu l'ensemble des maux dont souffre la société tunisienne. Des maux similaires à ceux vécus et endurés par la jeunesse algérienne. Depuis, ce sont plus d'une vingtaine de tentatives d'immolation, ayant fait trois décès, qui ont été enregistrées. On note le cas de Mohcin Bouterfif, 27 ans, de Tébessa, qui s'est immolé au début de ce mois de janvier, mais aussi de deux autres jeunes dans les wilayas de Bordj Bou-Arréridj et Boumerdès. Et ce phénomène touche l'ensemble de la société, n'en épargnant aucune frange... Des hommes, des jeunes, des personnes âgées et même des femmes. Des actes spectaculaires d'immolation se multiplient sans que cela émeuve outre mesure les autorités concernées. Les seules réactions officielles émanent des mosquées et autres institutions religieuses. Les imams ont été, à cet effet, instruits de réserver leurs prêches du vendredi à ce phénomène nouveau, qui vient se greffer aux nombreux autres fléaux dont souffre la société. Ils ont été unanimes à condamner ces actes suicidaires réfutant ainsi l'argumentaire du théologien El-Qaradaoui, qui a élevé la victime Bouazizi au rang de martyr. Pour les spécialistes, cependant, nombreux sont les facteurs qui sont à l'origine de cette autodestruction. Ils évoquent, en premier lieu, la violence dans laquelle a évolué la jeunesse algérienne, la misère sociale, la corruption, l'absence d'espaces d'expression, l'exclusion… Aux yeux des victimes, le choix de s'immoler, un geste qui reflète une profonde angoisse, serait ainsi synonyme de délivrance d'une situation dégradante et d'abus d'autorité qui a longtemps duré. Et se rendre dans des institutions publiques pour accomplir cet acte si singulier et si violent traduit à lui seul l'ampleur de la souffrance des victimes. Le message délivré par les personnes qui s'immolent est celui d'un sentiment de protestation extrême contre des autorités censées les protéger de toutes les formes d'abus et défendre leurs droits. Il a été toutefois relevé que le dénominateur commun à tous ces suicides est qu'aucune victime n'avait des antécédents de troubles psychiques. Cette violence sur soi n'est donc qu'un moyen d'expression et l'ultime cri face au déni et à l'injustice. Les pouvoirs publics, la société civile et la classe politique sont, de ce fait, interpellés devant la gravité de ce drame.