InfoSoir : Votre premier bilan sur la révolution tunisienne ? M. Baatour : Le peuple tunisien s'est pris en charge par lui-même. Il a montré une maturité exemplaire et une volonté intangible pour le changement et l'acquisition de sa liberté. Les troubles sécuritaires tendent à disparaître et le bilan reste positif et prête à l'optimisme. La dynamique de la révolution débouchera intellectuellement sur une dynamique politique, économique et sociale salutaire pour la Tunisie. L'immolation d'El-Bouazizi a-t-elle été la goutte qui a fait déborder le vase ? L'immolation de Bouazizi n'a été qu'un déclencheur. C'est un symbole mais il y en a déjà eu d'autres. Un an auparavant, une personne s'était immolée par le feu à Monastir. Les événements du bassin minier aussi représentaient les prémices d'un mouvement protestataire. La cause principale du soulèvement est la recherche de dignité, de liberté et de démocratie. Les manifestants réclamaient le départ de Ben Ali, mais personne n'y a cru. Un commentaire. Le départ de Ben Ali du pouvoir s'est fait suite à un effet boule-de-neige, partie des régions défavorisées. Les jeunes ont tenu bon et sont allés jusqu'au bout dans leur désir de nettoyer le passé avec un grand courage et beaucoup de prise de risque pour leur vie. Le peuple a fini par se prendre en charge avec une prise de conscience généralisée d'un changement démocratique. Pensez-vous que le monde arabe est condamné à changer pour plus de démocratie ? Oui. Je pense que le monde arabe est condamné à évoluer vers la démocratie. On voit les prémices du changement, qui est en cours. Partant de la Tunisie, l'Egypte a suivi, Bahreïn bouge, la Libye vit des troubles et le Yémen est sur le chemin. Et beaucoup d'autres suivront. Après le départ de Ben Ali, la Tunisie est-elle sortie définitivement de l'ancien système ? Je pense qu'il va falloir rester extrêmement vigilant, car les résidus de l'ancien système sont là. Il faut continuer à combattre pacifiquement pour l'élimination de ces résidus. Vu sa proximité avec la Tunisie, l'Algérie suivra, selon vous, ce mouvement ? La situation en Algérie est différente. Les Algériens sont marqués par la décennie noire. Et puis, il me semble qu'il y a plus de liberté en Algérie. Les revendications des Algériens seront plutôt sociales, contrairement à la Tunisie où ce sont des revendications de dignité, de liberté et de démocratie. Les Algériens demeurent méfiants quant à une révolution sanglante, de crainte qu'elle ne les ramène 10 ans en arrière.