Après Mohammed Bouazizi, le vendeur ambulant diplômé, martyr du malaise social et politique en Tunisie, et Waël Ghoneim, dénonciateur des tortures de la police égyptienne, Fethi Terbil, 39 ans, incarne la contestation contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. «Je veux qu'il soit traduit en justice, dans un procès équitable», assure cet avocat, coiffé d'une casquette, portant un keffieh noué autour du cou et des chaussures de sport. «C'est encore la tenue de la révolution, mais ça ne va pas durer», s'excuse le jeune homme, entouré de conseillers plus âgés. Il laisse percer sa nervosité face à l'intérêt médiatique soudain qu'il suscite, lors d'une rencontre avec des journalistes. L'avocat a rencontré le dossier de sa vie lors de la répression de la mutinerie de la prison d'Abou Slim, près de Tripoli, en 1996 dans laquelle ont péri quelque 1 200 détenus, selon des organisations de droits de l'Homme, dont un de ses frères, son cousin et son beau-frère. «Les prisonniers se sont mutinés pour réclamer de meilleures conditions de détention, un procès équitable et le droit à des visites», raconte-t-il. «Ce régime oppressif et brutal les a massacrés en l'espace de deux ou trois heures et a tenté d'étouffer ce crime.» Depuis, Fethi Terbil, «arrêté à sept reprises, y compris en tant qu'étudiant», représente un groupe de familles de Benghazi, deuxième ville de Libye, dans l'est du pays, qui ont perdu un des leurs dans la répression de la mutinerie, un combat inégal face à l'appareil sécuritaire, jusqu'au moment fatidique de sa dernière interpellation. «Le 15 février, une vingtaine de membres des forces de sécurité lourdement armés sont venus m'arrêter chez moi», explique-t-il. «La nouvelle s'est répandue parmi les familles des victimes qui ont décidé de manifester pour ma libération.» Fethi Terbil a été relâché le 16 février à l'aube. Mais depuis, l'insurrection qui s'est déclarée à Benghazi le 17 février «s'est propagée à toute la Libye», remarque le jeune homme, qui ne se voit pas pour autant de rôle prééminent dans un nouveau régime. «Il est difficile d'exercer de hautes responsabilités dans ce pays et je crois en avoir ni les capacités ni l'ambition», assure-t-il.