Résumé de la 3e partie n Quasiment toute l'armée fait l'aumône à un vieillard que l'on appelle saint Pierre le pêcheur... De hautes colonnes de flammes montaient en tourbillons vers la cime des monts de Misnie, et leur éclat se reflétait en longues lignes flamboyantes dans les eaux agitées du fleuve. Bientôt le bruit de l'eau se fit entendre sous l'arche ; il devint de plus en plus distinct, et une figure incertaine jaillit et grimpa avec peine le long d'un pilier, puis elle s'élança avec une agilité merveilleuse par-dessus le parapet. – Agafia ! s'écria encore une fois le vieillard. – Jeune fille ! au nom du ciel ! Dorothée, quoi ! ... m'écriai-je à mon tour ; mais au même moment, je me sentis étreint et entraîné avec force. – Pour l'amour de Dieu, garde le silence, cher Anselme, ou tu es mort ! murmura la petite, qui se tenait devant moi, tremblante et grelottant de froid. Ses longs cheveux noirs, d'où l'onde ruisselait, pendaient sur son cou, et ses vêtements mouillés étaient étroitement plaqués autour de sa taille svelte et légère. Elle se laissa tomber, accablée de fatigue, et dit à voix basse : Ah ! il fait si froid là-bas... ne dis rien, Anselme, sinon il nous faudrait mourir ! La clarté des feux frappait son visage, et je n'en pouvais douter, c'était bien Dorothée, la jolie villageoise qui, après avoir vu périr son père, avait abandonné son hameau dévasté, pour venir se réfugier chez mon hôte. – Le malheur l'a frappée de stupidité, me disait souvent celui- ci ; c'est dommage, car ce serait une bonne créature. En effet, elle ne disait jamais que des choses confuses, et un sourire insignifiant se dessinait sans cesse sur ses lèvres. Chaque matin, elle m'apportait du café dans ma chambre, et j'avais souvent remarqué que sa taille, que son teint, que la douceur de sa peau, ne pouvaient appartenir à une paysanne. – Eh ! mon cher monsieur Anselme, me disait mon hôte, Dorothée n'est pas non plus une paysanne ; c'est la fille d'un fermier, et une fille de Saxe, encore ! – En voyant à mes pieds la petite, inondée, tremblante et presque inanimée, je me hâtai de me dépouiller de mon manteau et de l'en couvrir. – Réchauffe-toi, ma chère Dorothée ; lui dis-je à voix basse ; tu expirerais de froid ! – Mais que faisais-tu dans ce fleuve glacé ? – Silence ! répondit la petite, en écartant le collet du manteau qui était tombé sur son visage, et en ramenant avec son petit doigt, sur ses tempes, ses cheveux noirs que l'eau faisait dresser. — Silence ! Viens sur ce banc de pierre. Mon père parle avec saint André, et ne nous entend pas. Je l'entraînai vers le banc, saisi par cette scène merveilleuse, frappé de ravissement et de terreur. J'attirai vers moi la jeune fille ; elle s'assit sans façon sur mes genoux, et passa ses bras autour de mon cou. Je sentais l'eau froide et pénétrante dégoutter de sa chevelure sur mon sein et sur mon visage ; mais, en même temps, je sentais tout mon sang bouillonner d'ardeur et de désir. Anselme, murmurait la petite, tu es bon et plein de douceur. Quand tu chantes, ta voix va à mon âme, et tes regards sont bien tendres ! Tu ne me trahiras pas ; et qui t'apporterait ton café le matin ? — Ecoute ! (A suivre...)