Indifférence n L'indigence n'inspirait aucun cinéaste français. Il était là… parce qu'il était là ! L'indigène était, à l'époque coloniale, à peine une silhouette que la caméra remarque et «happe» au hasard d'un plan. En fait, si l'Algérie de cette époque-là intéresse les politiques de la droite et même de la gauche pour ses richesses, elle intéresse tout autant les cinéastes de par le décor qu'elle offre, l'élément humain n'a aucun rôle. Il vrai que notre pays recèle des décors naturels exceptionnels qu'envieraient bien des studios. Preuve en est que de nombreuses scènes d'extérieur de la série des Tarzans, particulièrement ceux joués par Johnny Weissmuller, ont été tournées au Jardin d'Essai d'Alger. Ce site avait été choisi par les producteurs américains pour la variété de ses plantes et l'extraordinaire choix de sa botanique. A Sidi Bel Abbes, au moins trois longs métrages ont été tournés sur un corps militaire qui a toujours fait la fierté de la France : la Légion étrangère. Même Fernandel dans Un de la légion se prêtera de bonne grâce à la promotion de l'empire. Dans ce film, où l'acteur fétiche des productions parisiennes de l'époque, fait le beau et le pitre à longueur de pellicule, la ville de Sidi Bel Abbes ne sert même pas de repère au film. On lui préfère, pour des raisons de couleur locale, quelques djebels ocres où le légionnaire crapahute du matin au soir, dans la poussière et le sable des dunes, le cou enveloppé d'un chèche indigène. Mais pour ces cinéastes en quête de dépaysement à tout prix, l'Algérie ce n'est pas seulement le désert, même s'ils le situent pour les besoins de la cause aux portes de Sidi Bel Abbes. L'Algérie c'est surtout La Casbah. Aux yeux de ces cinéastes, elle est le cœur vivant d'Alger, sa carte postale par excellence, lui assurant mystère et charme, à travers notamment ses venelles, ses dédales, ses courettes, ses femmes voilées, ses terrasses chargées d'histoire et de soleil. D'ailleurs, c'est dans La Casbah que Jean Gabin, la plus grande vedette française, tournera le fameux Pépé le Moko, l'histoire d'un grand truand français qui aurait trouvé refuge dans la ville «arabe». Dans ce long métrage, l'indigence ne fait même pas partie du décor et encore moins du scénario. Le décor, c'est sûr ! Le bric à brac de maisons basses, les sofas à l'orientale, les jets d'eau d'intérieur, les patios en céramique et la fraîcheur des maisons pendant la sieste. Pour la petite histoire, le cameraman de la production était un certain… Tahar, un Jijélien authentique à l'accent prononcé qui donnera bien plus tard naissance à un autre Tahar de la télévision algérienne, à l'accent tout aussi prononcé… un inspecteur.