La fabrication et la réparation des tamis et autre gassaâ (grand plat en bois où l'on roule le couscous) ou mortiers en bois, sont des métiers révolus. Les femmes, ayant pour la plupart, tourné le dos au travail harassant qui consistait à rouler elles-mêmes le couscous, lui préférant la préparation industrielle disponible chez l'épicier. Les rares femmes qui préfèrent encore rouler elles-mêmes leur couscous sont aujourd'hui contraintes d'effectuer parfois de longs déplacements pour réparer leur arsenal d'ustensiles nécessaires, sachant que les artisans dans ce type de travail se comptent, eux aussi, sur les doigts d'une seule main. Ammi Boualem, 75 ans, est l'un d'entre eux. Il a appris, il y a 61 ans, ce métier de réparateur de tamis ou de gassaâ et autres articles entrant dans la confection du couscous dans son village natal Ouled Ali sur les hauteurs de Tizi Ouzou. Il faut dire qu'en ce temps-là, les femmes roulaient elles-mêmes leur couscous, ce qui faisait d'elles, en l'occurrence, «des clientes fidèles et permanentes». «Après l'Indépendance, j'ai continué dans cette voie pour nourrir ma famille mais le mode de vie et le changement des mentalités ont durement éprouvé cette activité devenue non lucrative», regrette-t-il. «Arpenter les rues à la recherche de clients, poursuit-il, n'est plus de mon âge et même si, quelquefois, je suis tenté de le faire, mes efforts demeurent infructueux faute de clients.» Réduit à cette situation, âmmi Boualem n'a eu d'autre choix que de louer une modeste échoppe pour y vendre de la vaisselle et des ustensiles de cuisine tout en continuant de réparer les quelques tamis qui lui parviennent. Une tâche qu'il dit accomplir avec la «meilleure volonté du monde», puisqu'elle lui permet symboliquement de perpétuer des coutumes ancestrales.