Constat n Y a-t-il un ou des cinémas arabes ? C'est la problématique abordée et débattue, hier, à la cinémathèque algérienne et ce, dans le cadre de la deuxième édition des Journées cinématographiques d'Alger. Selon les intervenants présents à la conférence, il y a un seul cinéma arabe, sauf qu'il comporte, suivant chaque pays, des spécificités. Il s'agit d'un même cinéma. La différence réside dans la forme et le langage. Le cinéma a vu le jour dans le monde arabe dans un contexte commun à tous les pays, à savoir colonial ; puis, il a évolué et acquis une particularité, voire un caractère et une personnalité suivant la politique à laquelle il s'est rattaché. C'est ainsi que Lama Tayara, une professionnelle du cinéma syrien, dira : «La particularité du paysage cinématographique syrien réside dans le fait qu'il existe une volonté politique favorable à son développement.» «La politique en ce moment accorde un intérêt à la production cinématographique, un intérêt tel qu'il y a un travail substantiel qui se fait en ce sens, ceux qui ont favorisé chez-nous le cinéma, ce sont les festivals», a-t-elle fait savoir. Et d'expliquer : «Le rôle des festivals c'est certes de promouvoir aussi bien la production que la création cinématographique, mais aussi il y a le point fort des festivals, c'est la publication de magazines et de revues spécialisées dans le 7e art. Il y a un grand intérêt à ce genre d'initiatives.» Lama Tayara a, en outre, fait savoir que la politique relative au développement du cinéma en Syrie consiste en la traduction de différentes publications sur le cinéma. «Effectivement, nous traduisons tout ce qui se rapporte au cinéma, qu'il soit européen, américain ou autre», a-t-elle souligné. Elle déplore cependant que le cinéma syrien est placé sous le monopole de l'Etat. «Il y a une emprise de l'Etat sur tout ce qui est production ou diffusion. Mais depuis quelque temps, il y a une certaine ouverture, le privé commence à investir le secteur», a-t-elle déclaré. Pour sa part, le critique égyptien Mustapha El-Kilani a, abondant dans le sens de Lama Tayara, expliqué que, jusqu'aux bouleversements sociopolitiques et, donc, à la chute du Président Hosni Moubarak, «le cinéma égyptien était placé sous le contrôle de l'Etat.»«Il y avait un monopole de l'Etat», a-t-il dit. «Le cinéma égyptien était orienté vers un objectif commercial. Mais parallèlement à ce genre de productions, il y avait des cinéastes comme Youssef Chahine qui faisait dans le cinéma à texte, c'est-à-dire engagé. Mais il y a très peu de réalisateurs qui s'investissaient dans cette ligne cinématographique, parce que la plupart préféraient les films commerciaux, puisqu'ils généraient beaucoup d'argent.» «Mais le monopole de l'Etat ne pouvait stopper la production de ces films engagés, dérangeants, voire indépendants, mais l'Etat réussissait à interdire leur diffusion dans les salles», a-t-il ajouté. Mustapha El-Kilani a, ensuite, fait savoir que le cinéma engagé était un cinéma annonciateur. Autrement dit, ces films, à l'instar de ‘Fawda' de Youssef Chahine, ont annoncé les changements sociaux et politiques que connaît actuellement l'Egypte. Pour El-Kilani, les événements que connaît son pays ont contribué à libérer la création artistique chez les jeunes réalisateurs. Il souligne que durant cette période-là, des centaines de courts métrages ont été réalisés, notamment par de jeunes cinéastes amateurs, et ces films ont été visibles sur Youtube. Celui-ci est un canal favorable à la diffusion de ces productions. Toutefois, il a tenu à nuancer ses propos, en déclarant : «C'est un peu prématuré de parler d'un nouveau cinéma égyptien.»«Ces films, qui sont simples et ordinaires et qui traduisent d'importants événements, ne peuvent constituer pour autant des œuvres cinématographiques qu'on pourrait inscrire dans un nouveau genre de cinéma qui serait le cinéma arabe post-révolution», a-t-il précisé. Pour Lama Tayara, «les nouvelles productions, basées principalement sur un montage d'images de la contestation populaire arabe, en Egypte ou en Tunisie, ne représentent aucunement des œuvres cinématographiques, mais des travaux amateurs qui devraient plutôt servir les médias.» Et de juger : «Les événements sociopolitiques que traverse actuellement le pays ne pourraient, selon elle, inspirer dans l'immédiat des réalisateurs syriens, car ils sont en plein dedans.» Ainsi, il est encore difficile d'imaginer l'influence des révoltes populaires qu'ont connues – et connaissent les pays arabes – sur le cinéma local et l'imaginaire des cinéastes, notamment. Parce que la situation sociopolitique qui prévaut dans le monde arabe reste «marquée par une contestation populaire qui perdure dans certains pays face à des régimes qui résistent», ont-ils relevé.