Les intervenants ont procédé à un état des lieux, tout en évoquant les déboires des critiques, notamment la difficulté d'exercer ce métier, la quasi-inexistence de revues spécialisées, la disparition des ciné-clubs et le peu de productions. Car la critique accompagne toujours la pratique. La cinémathèque d'Oran a abrité, avant-hier matin, une conférence portant sur la critique cinématographique dans le monde arabe et les possibilités de sa relance. Safa El Laïthi Hadjadj, secrétaire générale de l'Association des critiques de cinéma égyptiens, Khalil Damoun, membre fondateur de l'association des critiques de cinéma marocains, Mahrez El Karoui, critique tunisien, Ali Akabani, critique syrien, et Ramadan Salim, critique libyen, sont intervenus lors de cette rencontre qui n'a pas réellement concerné les moyens de relancer la critique dans les pays arabes. Car chacun des intervenants a évoqué la situation de la critique dans son pays. Safa El Laïthi Hadjadj s'est intéressée à l'association dont elle est la secrétaire générale, avant de détailler la situation de la critique en Egypte. Beaucoup d'entre eux se sont orienté vers l'industrie du cinéma et se sont mis à réaliser et à produire des films, à l'exemple de Billel Hamdi et Hamed Hammad (dont le film Rouge pâle participe à la compétition du court métrage de ce 4e FIFAO). Elle a également considéré que “les critiques sont différents des journalistes qui ne font aucun effort analytique”. Il semblerait que les critiques ne peuvent expliquer ce qu'ils font qu'en parlant du travail journalistique. Intervenant lors du débat, Ahmed Boughaba, critique marocain, a contré l'argument de Mme El Laïthi Hadjadj, en déclarant : “Les créateurs ont besoin du journaliste plus que du critique parce qu'ils font passer l'information.” De plus, la critique cinématographique en Egypte a régressé un peu, en raison de l'apparition d'un nouveau courant dans le cinéma, “qui tend à dialoguer avec le large public”. Et certains critiques snobent, fustigent et boycottent le cinéma commercial, qui n'est manifestement pas à la hauteur. Ramadan Salim n'est pas du tout de cet avis. Selon lui, “un critique devrait écrire sur tous les cinémas”. Le critique libyen a relevé que “la critique arabe n'a aucune influence sur les films. Et les critiques arabes préfèrent écrire sur les films étrangers que sur les productions arabes”. Khalil Damoun a estimé, dans sa communication, qu'“il est inconcevable au Maroc qu'un festival se déroule sans la présence et l'implication des critiques”, car “il n'y a pas de cinéma sans critique et inversement proportionnel. Il y a une interaction”. Pour M. Damoun, “la plupart des critiques dans le Maghreb sont des autodidactes. Ils viennent des ciné-clubs”. Mais le problème de la critique, selon lui, revient au fait que “nous avons pris trop de temps avant de passer de l'oral à l'écrit”. Quant aux références des Marocains, elles sont d'abord égyptiennes, puis françaises (à l'exemple de la publication les Cahiers du cinéma qui est un périodique de référence). Khalil Damoun signale, par ailleurs, que le terme “cinéma arabe” est un trop vague, car “il y a le cinéma égyptien (un leader) puis les autres cinémas qui ont, chacun, leur spécificité”. Mahrez El Karoui a estimé que “le cinéma n'a plus besoin de critique dans un contexte où le cinéma commercial et l'Internet dominent et prennent le dessus”. Si El Karoui considère que la critique est avant tout “subjective”, Ali Akabani ne semble pas être du même avis. D'après sa communication, la presse fait dans la subjectivité alors que la critique se veut scientifique et méthodologique. M. Akabani a concédé tout de même que “le journaliste peut se transformer en critique à force d'écrire sur un seul domaine”. Mais la critique cinématographique dans le monde arabe est, sans nul doute, trop exigeante. Les critiques n'accordent leurs faveurs qu'au cinéma d'auteur, ne s'intéresse presque jamais au cinéma commercial ; et lorsqu'ils écrivent, ils ne font pas assez d'efforts pour intéresser les gens. Les critiques de films sont trop élitistes pour qu'elles puissent avoir une quelconque influence sur les gens. La critique accompagne la pratique ; le couple cinéma/critique : un “je t'aime… moi non plus” qui nous fait languir…