En état de choc, à peine consciente, une jeune fille à travers le désordre de ses cheveux bruns voit dans la nuit l'homme se jeter sur elle une fois de plus. Elle tente de se relever mais ne peut éviter un coup sur la tête. Un coup donné avec une telle force qu'elle retombe en arrière. Des bras puissants soulèvent à demi son corps nu et elle sent qu'on la traîne sur les cailloux jusqu'au pied d'un rocher. Plus morte que vive elle reste là, implorant le Ciel pour que son agresseur l'abandonne et cesse de la torturer. Combien de temps s'écoule avant qu'elle tente de se relever dans le silence du désert ? Elle ne sait pas. Mais tout doucement elle bouge. Toujours à demi consciente, elle sent que quelque chose d'horrible lui est arrivé. Bien que totalement hébétée, elle se rend compte qu'elle perd son sang. Dans ses cauchemars les plus affreux elle n'aurait jamais pu imaginer qu'on puisse perdre tant de sang. Elle se met fiévreusement à chercher ses vêtements, et ne les trouve pas. D'ailleurs, à quoi bon, puisqu'elle réalise seulement qu'elle n'a plus de bras. Ils ont été tranchés au niveau du coude. A leur place, il y a deux moignons sanglants. Aux dernières heures de la nuit, le 30 septembre 1978, la jeune fille reprend connaissance, au milieu d'une mare de sang, dans le désert californien entre Los Angeles et San Francisco. Elle réalise à ce moment que la voiture bleue et son agresseur qu'elle ne connaît que sous le nom de Larry, ont disparu. Allongée complètement nue, seule, les deux bras sectionnés au-dessus du coude, perdant son sang par deux moignons horribles, elle est animée soudain d'un formidable instinct de conservation. Elle pense : j'ai seize ans, je suis trop jeune pour mourir dans ce désert. Elle faisait de l'auto-stop pour aller voir une amie à Los Angeles. Le premier conducteur était avec sa femme et ses enfants. Il venait de Denver. Fatigué il a voulu s'arrêter dans un motel. Le second allait à Las Vegas. En la déposant sur le bord de la route il lui a fait une pancarte en écrivant avec un feutre : «Pour L.A.» (Los Angeles.) A Los Angeles, elle devrait y être. Peut-être même, depuis longtemps. Au lieu de cela, elle est abandonnée, horriblement mutilée dans un canyon à 80 miles au nord-est de la ville. Elle se souvient maintenant que le dénommé Larry, son agresseur, l'homme à la voiture bleue, le troisième à la prendre à son bord pour l'emmener à Los Angeles, a tourné brusquement dans une route sinistre et déserte. Elle avait remarqué la pancarte Terrain accidenté à 6 miles. Elle se redresse à demi, puis s'appuyant sur ses moignons sanglants elle trouve la force de se lever et de marcher. Toujours en état de choc elle s'en va, titubant à travers le désert. Pendant combien de temps ? Elle ne sait pas. Mais le jour se lève. Elle entend passer une voiture au loin. Encore quelques centaines de mètres et, affaiblie, elle s'appuie contre le grillage de l'autoroute. Jim et Liz Gooder sont partis de Los Angeles dans la nuit pour se rendre à San Francisco passer le week-end chez des amis. Le jour se lève. Jim est un sympathique garçon qui semble sorti tout droit d'un catalogue de magasin de sport : cheveux blonds et courts, yeux bleu clair dans un visage bronzé, la musculature bien visible sous sa chemisette légère. Il conduit sa Buick blanche en écoutant les informations à la radio. Liz, sa jolie femme, dort à moitié et n'entrouvre les yeux que lorsqu'elle sent la voiture ralentir brusquement. (A suivre...)