Violence n Les autorités dénoncent «les actes de troubles» attribués à des «groupes d'extrémistes». Un garçon de 14 ans a été tué à Sidi Bouzid au centre de la Tunisie lors de la dispersion d'une manifestation par la police, a rapporté ce lundi matin l'agence officielle TAP. L'adolescent a été tué dans la nuit de dimanche à lundi par le «ricochet d'une balle», et deux personnes ont été gravement blessées, selon la TAP citant le chef de la police à Sidi Bouzid, Samir Al Meliti. Selon cette source, les forces de l'ordre ont ouvert le feu après avoir été la cible de cocktails molotov lancés par les manifestants. Les violences ont duré jusqu'à 2h 00 GMT (3h 00 locales) dans la nuit, et neuf personnes ont été arrêtées. Le jeune homme, Thabet Belkacem, est arrivé décédé à l'hôpital et son corps a été transféré au service médico-légal de Sfax au centre du pays, selon une source médicale à Sidi Bouzid. L'un des deux blessés est dans un état grave et a été transféré à Sfax, selon cette source. «Il y a eu d'importantes confrontations jusqu'à tard dans la nuit à Sidi Bouzid et à Regueb», une ville un peu plus au sud, a indiqué un syndicaliste sur place, Ali Zarai, qui a confirmé la mort du garçon. «Les gens de Sidi Bouzid sont en colère. Six mois après la révolution, ils n'ont toujours rien vu et manifestent contre le gouvernement de Béji Caïd Essebsi», a-t-il ajouté. Selon lui, la situation était calme ce lundi matin à Sidi Bouzid. Cette ville se situe dans le centre de la Tunisie, région défavorisée où a commencé à la mi-décembre 2010 le soulèvement populaire qui a abouti à la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier. Cet incident, qui intervient après la série d'attaques perpétrées hier contre des postes de police dans plusieurs villes tunisiennes, a relancé les interrogations sur la situation réelle du pays, alors que certains disent redouter une «contre-révolution» en coulisses. Le ministère de l'Intérieur lui-même a dénoncé «certaines forces extrémistes» accusées de chercher à «déstabiliser l'ordre et saboter le processus électoral». La Tunisie connaît depuis la chute du régime de Ben Ali des poussées de violences sporadiques, mais dont les responsables ne sont jamais clairement identifiés. Au lendemain de l'assaut lancé par «un groupe de 300 à 400 personnes» contre le poste de police d'Intikala, une cité populaire de Tunis, les forces de l'ordre et les habitants ont mis en cause, pèle-mêle, «de faux salafistes, des RCDistes [membres du parti dissous RCD de l'ancien président], des ivrognes ou des délinquants». A trois mois de l'élection d'une assemblée constituante le 23 octobre prochain, ces incertitudes alimentent une ambiance délétère. «Nous sommes dans une période transitoire, l'Etat est faible et d'autres forces montent. On ne sait pas où l'on va, et ce climat fait craindre toutes les manipulations», s'inquiète Dora Jaafar, une jeune directrice marketing. «Il y a beaucoup d'interrogations», reconnaît Mustapha Ben Jaafar, leader du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) et ancien opposant au régime de Ben Ali. «Les forces extrémistes dont parle l'Intérieur, c'est un concept très flou. Il faut faire attention, ce ne sont pas les boucs émissaires qui manquent en ce moment, et le gouvernement doit mener des enquêtes sérieuses pour identifier les vrais responsables de ces violences. Avec le système sécuritaire si développé de la Tunisie, on ne comprend pas que ce ne soit pas déjà fait !», ironise-t-il. La situation politique reste fragile : une centaine de partis ont été créés depuis le 14 janvier dernier, la Haute instance chargée de piloter les réformes jusqu'aux élections est enlisée dans des dissensions internes et le mouvement islamiste Ennahda, légalisé après la révolution, s'affirme comme une des principales forces politiques. En outre, de nombreux Tunisiens s'inquiètent de voir «des ex-RCD reprendre du service», particulièrement au ministère de l'Intérieur, accusé de répression brutale contre les manifestations récurrentes dans le pays. «Ils sont toujours là, il ne faut pas s'étonner s'il se passe des choses horribles en Tunisie», s'indigne l'avocate Radhia Nasraoui. «Les contre-révolutionnaires ont eu le temps de se réorganiser et sont en train de tout faire pour bloquer le processus démocratique», affirme-t-elle.