Contrairement à ce que l?on pense, le mot tchi-tchi n?est pas une formation récente, mais un vieux mot utilisé à l?époque coloniale. La forme d?origine, qui provient de l?espagnol ou de l?italien, est ché-ché et signifie «vivre sans souci, se la couler douce». Roland Bacri, collaborateur connu du journal satirique français Le Canard enchaîné, né à Bab El-Oued, écrivait, dans un ouvrage sur la langue des pieds-noirs : «Quand même quand je pense, la mer, le soleil, l?anisette glacée, quand y fait trop chaud... On vit ché-ché va ! On s?régale !» Ché-ché s?est algérianisé en tchi-tchi, forme plus adaptée à la phonétique des parlers arabes et berbères. Si à l?origine, tchi-tchi désignait principalement les jeunes des quartiers huppés d?Alger, qui s?habillaient dernier cri et roulaient en voiture de luxe, le mot a pris, depuis, un sens plus large, caractérisant beaucoup plus une certaine façon de se comporter que l?appartenance à une classe sociale : manières de s?habiller, de parler, de penser plus ou moins guindées, plus ou moins influencées par le cinéma et la télévision. C?est certainement la tchi-tchi qui a généralisé le port des lunettes solaires et des chemises de couleur, principalement roses, autrefois interdites aux garçons. C?est aussi la tchi-tchi qui a introduit la fameuse coupe house (nuque et pourtours des oreilles rasés). L?engouement pour le rock, la musique disco, le rap, c?est encore la tchi-tchi. Dans le langage populaire, le mot a connu un grand succès, mais il a partout acquis un sens négatif puisqu?on ne l?utilise que pour stigmatiser un certain comportement chez les jeunes gens : refus du travail manuel (la tchi-tchi, c?est connu, n?aime pas se salir les mains), goût du farniente (manger, s?amuser, dormir), recherche de l?argent facile et, par-dessus tout, ce petit air de supériorité, voire d?outrecuidance qui agace tant les personnes bien pensantes.