Constat L?histoire tend à être mythifiée. La nôtre s?inscrit dans le légendaire et la romance. Si Barberousse a suscité tant d?épopées et tant de récits légendaires, d?autres personnages, comme La Kahina, en ont fait de même. La Kahina, ce personnage historique, fait l?objet d?extraordinaires fables et contes. Elle alimente l?imaginaire collectif. La Kahina est un mot arabe francisé. Il signifie la prêtresse, voire la prophétesse. De son vrai nom, Dihia, l?inspirée, entre dans l?histoire, lorsqu?elle se dresse contre l?armée arabe, en lui livrant bataille. Son esprit rebelle, son caractère intransigeant, sa volonté déterminée, son attachement à sa terre ancestrale, et son amour pour la liberté, le tout a fait d?elle une légende. Un mythe présent, dans ses couleurs mirifiques et chatoyantes, jusqu?à maintenant dans l?esprit de chacun, dans les croyances populaires, notamment chez les Berbères des Aurès. Car elle est issue de cette région d?Algérie. Elle est une Chaouia. Une fille des montagnes. Selon certaines croyances, La Kahina était juive, alors que d?autres affirment qu?elle était païenne. Païenne ou croyante, Dihia était une inspirée, et c?est ce que rapportent les récits formulés autour de son personnage si grand et si énigmatique. La Kahina, une icône historique, exerçait une influence sur son entourage, même les hommes, les plus phallocrates et les plus réfractaires, se taisaient devant elle, ils la respectaient, se ralliaient à sa volonté. Ses amis la respectaient. Ses ennemis la craignaient. Seule, elle a réussi à commander une armée, à diriger des hommes, à rassembler les tribus et les confédérations berbères autour de son projet politique, celui de combattre l?ennemi, les Arabes qui venaient en conquérants s?emparer de la terre de ses aînés, et de créer un royaume, un Etat. Elle s?est faite reine des Aurès, souveraine d?une terre que les ancêtres lui ont léguée. Elle est devenue garante et dépositaire d?un pouvoir. Selon les croyances populaires, la Kahina puisait sa force ? et son inspiration ? dans la relation qu?elle entretenait avec le monde des ombres. Elle cultivait un rapport étroit et avec les morts, ses ancêtres, et avec les esprits. D?où le nom qui lui a été attribué. Elle avait le don de la prophétie. Certains, notamment les aînés, racontent que La Kahina invoquait les esprits lorsqu?elle livrait bataille aux Arabes, que les esprits l?assistaient dans ses combats, combattaient à ses côtés, et que la reine des Aurès était protégée par la bénédiction des ancêtres. Dihia savait lire l?avenir. D?ailleurs, elle a vu, une nuit, dans son sommeil, qu?elle allait mourir le lendemain, qu?elle allait être décapitée. Entre le mythe et la véracité se situe La Kahina, un personnage à la fois réel et surnaturel, entre les deux s?écrit son histoire, un récit mêlant l?insolite, le prodigieux au réalisme à l?historique. De la réalité naît donc le mythe ; et par le mythe se raconte ? ou se recrée ? une réalité. Il est une lecture à la fois objective et subjective du monde extérieur ainsi que de ceux qui l?organisent et le font exister. C?est une autre lecture de notre existence qui se fait sur une portée plus profonde et plus symbolique. Il est récit d?événements à la fois authentiques et invraisemblables. Et de ce fait, le mythe est doublement articulé et, donc, doublement défini.