Mystère n Elle est si épuisée qu'elle tombe dans le premier service où elle arrive. Un infirmier se saisit de justesse de l'enfant. Comment une femme qui a abandonné son enfant, alors qu'il n'était qu'un bébé, a-t-elle pu vivre si loin de lui, pendant plusieurs années, et comment cette femme, le retrouvant enfin, a pu le côtoyer encore pendant d'autres années sans se manifester ? Honte d'avouer son «crime» ? Peur de la réaction de l'enfant devenu homme ? Sentiment de culpabilité ? Il y a sans doute de tout cela dans l'histoire de Fatma – nous l'appellerons ainsi – qui a surpris et bouleversé les habitants de ce quartier de la banlieue d'Alger où elle s'était installée.Il fait froid, ce matin de janvier 1965 et une pluie fine tombe sur la ville. La femme, qui descend du bus, serre contre elle un bébé qu'elle essaye de protéger. Elle n'a ni parapluie ni imperméable et elle marche difficilement, comme si elle était malade. En fait, il n'y a pas longtemps qu'elle vient d'accoucher et elle se dirige vers l'hôpital. Heureusement que celui-ci n'est pas très loin de l'arrêt de bus… Elle va mettre quand même un bon moment avant d'y arriver. Elle est si épuisée qu'elle tombe dans le premier service où elle arrive. Un infirmier se saisit de justesse de l'enfant. — Madame, qu'est-ce que vous avez ? Elle ouvre la bouche pour répondre mais elle perd connaissance. Quand elle revient à elle, elle se retrouve dans un lit et une femme en blouse blanche lui sourit. — Vous allez bien ? La jeune femme cligne des yeux, regarde autour d'elle, mais elle est encore faible pour répondre. — Il n'y a pas longtemps que vous avez accouché, n'est-ce pas ? — Oui dit-elle. Et mon fils ? — Il va bien ! Elle ajoute. — Qu'est-ce qu'il a au pied ? On dirait qu'il est tordu ! — Je ne sais pas, murmure la jeune femme. — C'est à l'accouchement que ça lui est arrivé, n'est-ce pas ? La jeune femme ne répond pas. — Vous n'avez pas accouché à l'hôpital ? — Non, dit-elle d'une voix à peine audible. — C'est une matrone qui vous a accouchée ? L'enfant se présentait par le siège et elle l'a tiré ? — Oui, dit la jeune femme, sans lever les yeux. — Vous avez de la famille ? Elle ne répond pas. — Vous avez déclaré, cet enfant ? Comme elle ne répond toujours pas, la femme hoche la tête. — Bon, vous êtes fatiguée. Pour le moment, reposez-vous, nous parlerons de tout cela plus tard, quand vous irez mieux. (A suivre...)