Sensibilité n La galerie d'art de Didouche-Mourad abrite, jusqu'à la fin du mois, une exposition de l'artiste photographe Medina Kermiche. Sur les cimaises de la galerie sont accrochées une trentaine d'œuvres iconographiques. Toutes, qu'elles soient en couleurs, en noir et blanc, en argentique ou en numérique, ont pour thème Alger. Détail d'Alger, tel est l'intitulé de cette exposition initiée par l'établissement Arts et Culture. Celle-là se veut un voyage au cœur d'une ville qui suscite encore et toujours autant d'intérêt que de fascination. Les photographies témoignent de l'affection, de l'attachement et de l'amour pour Alger. Cela nous rappelle le rapport affectif, très profond et singulier de Momo, ce poète qui, d'un poème à l'autre, ne cessait de déclamer sa Casbah et le vieil Alger. Il ne cessait d'ailleurs de faire entendre sa voix en criant à qui voulait l'entendre : «Ya Bahdjati.» Les poèmes de Momo qui nous reviennent en mémoire, sont comme une réminiscence musicale, une intonation mélodique. Tout comme Momo, Medina Kermiche, suivant cependant sa propre démarche, déclame El-Bahdja en image, allant du portait, à l'architecture en passant par la nature morte. C'est ainsi que dans la série portraits, l'on peut voir tantôt des femmes en haïk, tantôt un vieil homme face à la mer ; l'artiste a recréé kaâdat zman ou reproduit cet instant mettant en scène les hommes d'antan. Dans la série architecture, Medina Kermiche tient à immortaliser, jusqu'au moindre détail, l'identité algéroise avec ses comportements et ses caractéristiques. C'est alors qu'elle s'attelle à sillonner les différents vieux quartiers de la capitale, à l'exemple de Bologhine, en immortalisant un cabanon sur une plage rocheuse, elle offre aussi une vue du tunnel des facultés à la place Maurice-Audin et d'autres endroits, des coins insoupçonnés du vieil Alger. Enfin, dans la collection nature morte, l'artiste s'est livré à un jeu consistant à capter sur le vif des instants et des lieux instantanés. Dans Souvenir 01, une prise de vue réalisée spontanément, sur le vif, dans un atelier anonyme, l'artiste immortalise un lieu ordinaire, mais qui reste exceptionnel de par sa composition : l'on perçoit derrière un tas d'objets hétéroclites (livres, revues, journaux…), deux portraits : l'un de Paul Newman et l'autre de Bruce Willis. Dans la même collection, figurent des photographies de portes avec heurtoirs d'anciennes maisons mauresques de La Casbah et d'autres quartiers algérois. C'est à vrai dire l'âme d'Alger que le visiteur retrouve dans ces «détails algérois» entre ciel, terre et mer. Il y a même un clin d'œil à l'histoire à travers la statue de l'Emir Abdelkader. S'exprimant sur son travail, Medina Kermiche, native d'Alger, dira : «J'ai voulu éviter le piège de la photo carte postale, en sachant que l'artiste a intérêt à donner une âme artistique et des données graphiques qui vont interpréter sa vision envers cette ambiance humaine et architecturale.» Licenciée en histoire, d'où son intérêt pour les lieux historiques et le patrimoine, Medina Kermiche, pour qui la photographie s'avère un acte important en ce sens qu'il peut permettre de comprendre le lien que chacun entretient avec soi et son environnement immédiat, prépare actuellement des collections de photographies sur des thèmes artistiques différents. Yacine Idjer