De Béjaïa Représentation - Le conte de Djoha a été présenté dans la petite salle du Théâtre régional de Béjaïa, dans le cadre de la 3e édition du Festival international du théâtre. Kamel Zouaoui a mis en espace quelques aventures de Djoha, ce personnage qui, jusqu'à présent, ne cesse de nous inspirer et d'alimenter notre imaginaire. C'est dans une spatialité meublée d'éléments aux couleurs locales et qui nous rappellent l'ancien temps, l'époque de Djoha, que le conteur entame son jeu. Et bien que le metteur en scène tienne à mettre l'accent sur le décalage temporel, il n'en demeure pas moins que le conte reste d'actualité. Il s'adresse à nous, il nous interpelle, même si le personnage peut paraître, de par ses actes, son raisonnement et son comportement en société, étrange, excentrique, typique, parfois pittoresque. Kamel Zouaoui met en situation le conte de Djoha, mais en même temps il se revêt de l'étoffe, du contenu, de formes et de couleurs : il nous raconte, en un orateur averti et captivant, Djoha et ses péripéties. C'est ainsi qu'il interprète, tour à tour, les protagonistes qui composent le conte, donnant alors à chacun une temporalité, de la carrure, de la personnalité, il attribue au conte un mouvement et un langage, il lui insuffle la vie afin de rendre le jeu substantiel et attrayant. Il passe alors d'un personnage à l'autre avec aisance et naturel. Le jeu s'avère aussi fluide, vivant et démonstratif. Le jeu était également distingué ; la mise en scène s'avérait juste, aérée, et même si le décor est simple, presque rudimentaire, mais référentiel, il n'en demeure pas moins que le jeu était apparent, que l'on peut aisément assimiler, donc comprendre et ce, en dépit du fait qu'il véhicule des sens cachés, s'illustrant, çà et là, par des métaphores. Par ailleurs, le jeu est accompagné d'une musique 'ud. Cela fait de la pièce une création, puisqu'il y a une mise en scène, un jeu de texte, celui de l'interprétation, de la lumière et enfin de la musique. Kamel Zouaoui peut alors s'enorgueillir du don qu'il possède, à savoir conter admirablement, rendre visibles les choses cachées, donner de la couleur, de la tonalité, de l'intonation, de l'esprit, de la vivacité, du mouvement et de la consistance aux personnages qu'il décrit comme s'ils existaient réellement, et à l'environnement dans lequel ils évoluent. Ils évoluent effectivement naturellement, avec beaucoup de personnalité, caractère spécifique à chacun. Kamel Zouaoui a le don de bien conter et donc l'art et la manière d'attirer l'attention sur lui et de captiver en conséquence l'assistance. Le public est resté d'un bout à l'autre du spectacle, accroché aux lèvres du conteur, s'abreuvant ainsi de ses paroles. Il a su le garder en haleine jusqu'à l'évanouissement, tel un écho au loin, de la dernière parole. Notons que le personnage de Djoha fait référence à Nasreddin Hodja. Il a été reconnu en 1996 par l'Unesco comme universel «en ce qu'il contient de sagesse», dira Kamel Zouaoui, et d'ajouter : «Et même si on change les histoires, les décors, le nom des protagonistes, le message passe quand même, on peut dire effectivement qu'il est universaliste.» Nasreddin Hodja est célébré de tout temps, d'une société à l'autre et d'une culture à l'autre. Son personnage s'est fondu à celui de Joha au Maghreb (Jha, Djha ou Djouha). On l'appelle aussi Goa, Efendi, Djafa, Djoufa… Mais il s'agit du même personnage, et ce sont là toujours les mêmes aventures que l'on raconte à son propos. Ses histoires courtes sont morales, bouffonnes, absurdes ou parfois coquines. Une partie importante d'entre elles a la qualité d'Histoire enseignement. Quel que soit le nom qu'il porte, le personnage demeure porteur de savoir, parfois subversif, qui bouleverse les consciences.