InfoSoir : Pourquoi ce sujet demeure-t-il tabou ? Nacéra Merah : Le sujet lié au sexe est tabou comme partout dans le monde. Et même dans les pays occidentaux, où il y a eu pourtant des mouvements de libération des femmes, les mères célibataires intriguent. La procréation et les rapports sexuels ne sont concevables que dans le couple reconnu par la communauté. Par là, j'entends le mariage tel que la société l'agrée. Et si par malheur, des enfants naissent hors mariage, ils ne sont acceptés qu'après l'établissement d'un lien conjugal entre les parents. Quel est le regard de la société et le devenir de ces mères ? Elles subissent un rejet de la société tout entière et sont alors confrontées à de gros problèmes matériels. Ce qui les amène à se prostituer pour subvenir à leurs besoins. Comment et par quel moyen peut-on protéger l'enfant né sous x et la mère célibataire durant et après la grossesse ? La question ne peut être traitée aussi simplement. Ces femmes sont rejetées. Leur apporter une aide est considéré comme une incitation à la débauche. Les enfants, eux, sont maltraités dès leur venue au monde comme s'ils étaient responsables de leur conception. Et une société aussi hypocrite comme la nôtre y est pour quelque chose. Souvent, elle est responsable du rejet de ces victimes. Ces filles-mères, souvent victimes de viol ou d'inceste, sont, en fin de compte, incapables de se défendre. Conscientes de l'incompréhension de leur entourage, elles n'ont d'autre issue que la fugue ou l'avortement. Par ailleurs, il faut toutefois préciser que les mères célibataires ne sont pas des prostituées, ou alors des filles débauchées. C'est plutôt leur situation qui les amène à la prostitution. Les filles-mères sont presque toujours des filles innocentes qui ne connaissent rien à la sexualité. Les prostituées, elles, connaissent tous les moyens pour éviter les grossesses. Quelle solution (matérielle, psychologique) nécessitent-elles ? Les filles-mères doivent être suivies médicalement et psychologiquement. Elles ont besoin d'un hébergement et d'un travail afin d'éviter de tomber dans les filets de «la débauche» qui les guette, une fois jetées à la rue. Il est donc important de les aider à se reconstituer physiquement et moralement. Les enfants, eux, ont droit à une vie décente. Le fait de les prendre en charge est-il, en quelque sorte, une façon d'encourager à agir de la même façon ? Aider les filles-mères et les enfants nés sous x ne signifie nullement aggraver les maux. Bien au contraire, c'est une façon de permettre à ces victimes de garder leur dignité et de préserver leur santé. Ainsi que celle de la société. Dans le cadre de la kafala, comment assurer à l'enfant une bonne prise en charge et un meilleur suivi au sein de la famille adoptive ? La kafala est une moitié de solution... Si on laisse le qualificatif «adoptif», l'enfant est poursuivi durant toute sa vie par son histoire pré-natale. Il portera les conséquences d'un acte condamnable qu'il n'a pas commis. Et les enfants qui l'entourent seront moins indulgents que les adultes qui l'ont jeté et rejeté. Au sein des pouponnières ? Le drame des pouponnières est souvent dû au manque de moyens. Le plus dramatique, c'est le fait qu'à 18 ans, ces enfants ne sont plus hébergés, et s'ils n'ont pas la chance d'être adoptés, ils se retrouvent à la rue.