La célébration de la Journée internationale de la famille est placée, cette année, sous le thème « Les effets du VIH -sida - sur le bien-être de la famille », afin de tirer la sonnette d'alarme sur les périls causés au sein de la famille et des communautés à travers le monde par cette maladie dévastatrice. Une maladie « fléau » pourtant encore et toujours tabou chez nous, malgré les proportions alarmantes atteintes depuis la déclaration du premier cas officiel en 1985. A cet effet, une rencontre-débat a été organisée, hier, au CRIDSSH, par l'association algérienne pour la planification familiale, animée par des professionnels de la santé. « La prise en charge est de plus en plus problématique malgré une hausse de la maladie. Il faut savoir que le sida n'est plus cette maladie importée d'ailleurs. Vingt ans après le premier cas dépisté, un émigré, on est restés toujours figés sur cette image de maladie étrangère qui ne peut avoir de foyer chez nous. Pourtant la réalité est tout autre », explique le Pr. Tadjeddine, président de l'association de lutte contre le sida. La réalité c'est que le sida se propage telle une gangrène, à une vitesse inquiétante, avec pour conditions favorables le silence, l'ignorance totale et l'hypocrisie d'une société qui refuse l'existence de la maladie pour des considérations obsolètes. L'intervenant a expliqué que plusieurs facteurs aggravent l'évolution de ce fléau. Facteurs aggravants « Les pratiques sexuelles ont beaucoup évolué chez nous et avec les risques de contaminations hors mariage mais aussi dans le mariage. Beaucoup de femmes sont contaminées, sans le savoir, par des maris qui n'avouent pas leurs atteintes de l'infection, préférant garder le silence et perpétrer le mal », ajoute le président de l'association. Les non-dits sont dominants dans notre culture, l'absence de communication, la prévalence de l'aspect tabou sur tout ce qui a trait à la sexualité, même s'il s'agit d'en faire l'éducation, c'est autant de facteurs accroissant ce mal mortel. « Les relations sexuelles hors mariage existent, malgré la notion d'honneur liée à la virginité de la jeune fille qui reste prédominante. Ceci pousse certains jeunes à des pratiques sexuelles dangereuses et porteuses de maladies, la sodomie notamment. L'état et la société ne s'assument pas. » Pratiques dangereuses Et d'ajouter : « Beaucoup d'aspects font que la sexualité des jeunes se développe en toute anarchie et sans contrôle : les changements de mœurs et des mentalités, notamment avec l'extension de la parabole et des images importées du modèle occidental, le recul de l'âge du mariage se situant vers 32 ans, la précocité de la puberté chez les adolescents, et avec une durée du célibat plus longue et donc le recours à la sexualité hors mariage et sans contrôle, d'où les risques de contamination », souligne le Pr. Tadjeddine. L'homosexualité, cet autre tabou malgré son existence, est aussi un vecteur de contamination, notamment entre des sujets de sexe masculin ; il vient ainsi se joindre à la toxicomanie par voie intraveineuse, avance notre interlocuteur. Par ailleurs, le grand facteur d'aggravation reste la prostitution ou le commerce du sexe. « Un type de commerce très florissant dans nos villes et villages et qui se pratique à des âges plus précoces. Il se trouve que les autorités ont tendance à se pencher sur la prostitution légale, laissant évoluer la prostitution clandestine à une vitesse effrayante sans contrôle. Sachons que les menaces encourues sur la population sont énormes. Un silence se fait aussi sur les réseaux de proxénétisme qui ont traversé la Méditerranée pour s'installer à Paris et Marseille. Pourquoi donc n'existeraient-ils pas ici ? », conclut notre interlocuteur en insistant sur l'urgence de lutter contre le fléau du VIH-sida afin de prévenir le pire. Une prévention qui se fait en premier lieu à travers une éducation des jeunes et même des adultes au sein du couple, de la famille et de l'école.