Communication La bibliothèque urbaine de Mohammadia a organisé, mercredi, une rencontre littéraire autour de l?écriture de Mouloud Feraoun. Mourad Ben Zidan, directeur de la bibliothèque urbaine de Mohammadia, a tenu à préciser que «ce rendez-vous littéraire est hebdomadaire, que chaque mercredi la bibliothèque accueillera des écrivains et des hommes de lettres, leur prêtera l?espace pour faire connaître au public ceux qui ont fait et qui font notre littérature, que la bibliothèque se veut une tribune d?expression pour tous ces gens de la culture.» Ensuite, Mohamed Cherif Ghebalou, professeur de littérature à l?université d?Alger a retracé l?itinéraire de l?écrivain avec quelques repères biographiques afin de le situer, dans son ?uvre littéraire. La seconde phase de la communication a porté sur la production intellectuelle de l?écrivain. L?intervenant explique à l?assistance que le discours littéraire de Mouloud Feraoun fonctionne à deux niveaux : il y a d?abord les significations apparentes, et ensuite les significations profondes. C?est en analysant le fond de son écriture que l?on parvient à décrypter son ?uvre. L?autre aspect que le conférencier a abordé consiste à préciser que la grandeur de l?écriture de Mouloud Feraoun revient à représenter l?Algérie dans un réalisme saisissant. «Ces écrits (ceux de Mouloud Feraoun) touchent la réalité algérienne de la période coloniale. Son écriture est la description de l?univers algérien, un univers marqué par la misère et la douleur, par l?injustice et le mépris ainsi que par la présence de la domination et la répression coloniales.» Et de poursuivre : «Mouloud Feraoun a su mettre en relief les particularités de la société kabyle, il a su montrer et mettre en évidence le moi communautaire, et l?opposer au moi du colonisateur. Mouloud Feraoun montrait, à travers son écriture, les caractéristiques de la société algérienne, notamment la communauté kabyle.» Mouloud Feraoun a su peindre, d?une manière efficace et pragmatique, la réalité algérienne de la période coloniale. L?écrivain dit d?ailleurs : «Ce sont mes contemporains qui m?intéressent?» De là, l?on voit, d?emblée, se dessiner le projet intellectuel de l?écrivain, l?ambition de dénoncer le régime administratif et politique que le colonisateur exerçait sur le colonisé. Le troisième aspect abordé au cours de la conférence, c?est l?école. Ainsi, si Malek Haddad disait : «Le français est mon exil», Mouloud Feraoun, en revanche, a pris la langue française comme un acquis. Sa pensée rejoint celle de Kateb Yacine qui, plus tard, dira : «La langue française est un butin de guerre», souligne le conférencier, ajoutant que «l?enseignement de la langue française supposait à la fois acculturation et acquisition, et que Mouloud Feraoun se situait par rapport au second aspect de la langue, puisqu?il a utilisé la langue de l?autre pour lui parler de soi, des siens et de leur spécificité.» «Entre l?école et le vécu social de Mouloud Feraoun, il y avait un large fossé. A l?école, Mouloud Feraoun apprenait l?humanisme et la philosophie des Lumières à travers Rousseau, Voltaire et bien d?autres philosophes, alors que dans sa vie quotidienne, il vivait la misère et l?injustice, la souffrance et le mépris.» Mohamed Cherif Ghebalou souligne que Mouloud Feraoun a investi dans ses écrits «le champ féminin dans une optique d?affranchissement», c?est-à-dire qu?il «militait» pour l?émancipation de la femme. La question qui se pose aujourd?hui est la place qu?occupe l?écriture de Mouloud Feraoun dans notre société ? L??uvre littéraire de Mouloud Feraoun figure dans les programmes scolaires. Elle est, par ailleurs, un document historique puisqu?elle nous renseigne sur une partie de notre histoire. Elle est un témoignage lucide et objectif, efficace et réaliste. Elle est un regard toujours tourné sur notre réalité coloniale. Et c?est cela qui a fait que Mouloud Feraoun est en permanence réédité.