Paradoxe - Certaines mesures mises en œuvre par l'Etat pour lutter contre la corruption dans le secteur économique ont eu un effet contraire. C'est ce qu'a affirmé le directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, Mokhtar Lakhdari, lors de la conférence contre la corruption organisée, hier, par le ministère au Palais des nations, à l'occasion de la célébration de la Journée internationale contre la corruption. «L'autorisation d'importation, le capital exigé pour les sociétés activant dans le commerce extérieur ainsi que le crédit documentaire comptent parmi les mesures prises par l'Etat pour lutter contre la corruption, mais qui ont eu un effet contraire», a indiqué M. Lakhdari dans une déclaration en marge de la conférence sur la lutte contre la corruption. Les mesures sus-citées ont accentué «la bureaucratie et entravé le rythme du développement tout en favorisant de nouvelles occasions de corruption, même si leur objectif était de lutter contre ce phénomène», a-t-il dit. L'ouverture économique en l'absence de mécanismes de contrôle a favorisé l'émergence de «nouvelles formes» de corruption dont la spéculation sur les marchandises importées, le transfert irrégulier de devises, le blanchiment d'argent, l'usage de faux registres du commerce ainsi que les affaires de banques (malversations et non-respect du règlement de la Banque centrale) ainsi que les affaires liées au commerce extérieur (surfacturation et faux registres). Les statistiques pénales ne reflètent pas le volume exact du phénomène de la corruption, a, par ailleurs, souligné M. Lakhdari, ajoutant que dans la plupart des pays, ces statistiques ne dépassaient pas 10% du total des crimes. Aussi, la plupart des affaires de corruption ne sont ni signalées ni dénoncées. Il a rappelé, dans ce sens, que les tribunaux algériens ont statué en 2010 sur 948 affaires de corruption et condamné 1 352 accusés, affirmant que les crimes les plus répandus sont la dilapidation des deniers publics (475 affaires), abus de fonction (107), la corruption des fonctionnaires publics (95) et favoritisme dans les marchés publics (79). Lors de son intervention, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a souligné que l'autonomie de la justice et son intégrité sont les premières conditions pour la lutte contre la corruption. «L'autonomie de la justice a été renforcée dans le cadre de la réforme du secteur, ainsi qu'à travers la promulgation d'un statut de la magistrature et du Conseil supérieur de magistrature, outre la multiplication du nombre de magistrats et des auxiliaires de justice et leur formation dans plusieurs spécialités», a-t-il expliqué. Par ailleurs, le ministre a souligné que la volonté politique et les efforts consentis pour la prévention et la lutte contre la corruption ont besoin de la conjugaison des efforts de tous les citoyens et de l'ensemble des acteurs de la société, notamment les médias et la société civile. Pour sa part, le président de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, Brahim Bouzeboudjen, a fait part, hier, de l'intention de l'organe d'effectuer une évaluation globale de la corruption en Algérie, en vue de l'élaboration d'une cartographie dans ce domaine. Il a, par ailleurs, souligné que l'organe qu'il dirige était déterminé à rattraper le manque enregistré en matière d'évaluation de la corruption en Algérie, à travers l'élaboration d'une évaluation globale du phénomène, basée sur un recensement des cas enregistrés.