Le constat est unanime : nos villes sont invivables et notre capitale est un gigantesque conglomérat difforme où s'engouffrent à longueur de journée d'interminables files de voitures à la conquête du moindre espace pour se garer. Un tintamarre continu qui ne s'estompe qu'avec la nuit quand vient la relève : les chats et les chiens qui s'agglutinent autour des poubelles éventrées dans une cité qui éteint les feux dès le crépuscule. C'est qu'avec le temps, la ville a fini par troquer sa convivialité contre un repli, une affreuse paresse qui s'installe dès que tombe la nuit sur les grandes avenues tristes comme un jour férié. Tout compte fait, les citadins sont les copropriétaires de l'ennui, de la morosité et de la pollution. Nos villes manquent tragiquement d'espaces verts et c'est plus une affaire de culture qu'une affaire d'urbanisme quoique les deux vont de pair puisque l'on considère toute verdure ou tout arbre comme une chose superflue, inutile, l'important étant l'espace habitable. Voilà pourquoi les maisons prétendument appelées villas se serrent, s'étranglent et le moindre centimètre est bâti ignorant superbement que l'espace laissé pour un carré de jardin est aussi un espace habitable. Tous les lotissements sont un hideux alignement de maisons toutes dotées de trois ou quatre entrepôts que ferment d'immenses portails blindés. Et c'est comme si tout le monde s'était donné le mot et rare sont les nouveaux édifices qui respectent les normes d'habitabilité. Partout, c'est le règne des maçons que contactent des constructeurs convaincus qu'ils font de substantiels bénéfices en omettant de faire appel à un architecte. Le plan vite adoubé par le maçon est d'une désarmante simplicité, ainsi que ces fameuses rosaces qui ornent les balcons inutiles aux fenêtres toujours fermées. Et puis dès que l'on sort de l'urbanité et que commence des terrains nus, on entre dans un no man's land fait de bourgades et de bourgades où seuls les gargotes et les estaminets aux lumières blafardes font office d'animation nocturne. Le jour, c'est un capharnaüm où le pharmacien avoisine allègrement le quincaillier et le marchand de brochettes qui enfume l'atmosphère. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.