Comparaison - Dans le cadre de la célébration internationale du 8 mars, l'Institut Cervantès a organisé une rencontre animée par deux écrivaines : L'Espagnole, Laura Freixas, et l'Algérienne Maïssa Bey. Toutes deux ont parlé de leur vécu littéraire. De quelle façon peut-on considérer une femme écrivaine ? Serait-elle féministe, un individu que l'on parle au féminin ? Ou bien simplement une écrivaine à part entière ? Laura Freixas, une auteur espagnole, avec à son palmarès une œuvre littéraire riche et ayant connu un immense succès en Europe, dira : «Je n'écris pas pour adhérer à une cause.» Et d'ajouter : «Pour moi, écrire signifie une envie de dire des choses, de raconter une histoire, d'appréhender le réel.» Laura Freixas, qui a commencé à publier dès l'âge de 30 ans, explique : «Lorsque j'ai commencé à me faire éditer, ça été facile, parce que j'étais en quelque sorte une curiosité (une femme qui écrit, ça suscite la curiosité), mais par la suite, ça devenait difficile. Car je suis une femme, et la femme est une minorité.» Laura Freixas fait savoir que le parcours de la femme écrivaine n'est pas le même que celui de l'homme écrivain. «Les expériences ne sont pas les mêmes», tient-elle à souligner, et d'abonder : «Le parcours est souvent difficile, car la réception des livres écrits par des femmes est plutôt démesurée et négative.» «Nous faisons l'objet de critiques infondées, comme la question de savoir pourquoi les œuvres féminines n'utilisent que des protagonistes femmes», dit-elle. «En plus, la présence du sujet féminin est exagérée, à la limite du cliché», poursuit-elle. Par ailleurs, Laura Freixas regrette que le caractère universel soit refusé aux écrivains femmes. Autrement dit, elles ne sont pas considérées comme des auteures à part entière, avec chacune une spécificité, jouissant en conséquence d'une portée internationale, donc universelle, mais comme une exception littéraire. «Nos personnages sont perçus uniquement comme des éléments féminins et non comme des sujets humains portés par l'universalité», dit-elle, et de poursuivre : «Même notre individualité nous est refusée. On a tendance à parler de nous au pluriel. Nous sommes toujours regroupées sous une seule appellation et cantonnées à des productions strictement féminines. Or, noue ne sommes pas pareilles. Les écrivaines sont différentes l'une de l'autre. Laura Freixas revendique, de la même manière que les femmes écrivaines, son individualité. Car les sensibilités diffèrent d'une expérience à l'autre, d'une écrivaine à l'autre, chacune – c'est d'ailleurs pareil pour les hommes écrivains – éprouve et ressent le plaisir de sentir d'écrire, c'est-à-dire chacune a une approche individuelle pour l'écriture. Elle revendique, en outre, la liberté de s'exprimer sur tous les sujets, pas spécialement ceux concernant la femme. «La littérature faite par des femmes aborde, comme celle produite par des hommes, des problématiques largement universelles», dit-elle, et d'ajouter : «C'est une littérature riche, variée, complète et équilibrée dans son rapport avec l'humanité et les préoccupations universelles.» Maïssa Bey, une écrivaine algérienne, tient à préciser que «le rapport à l'écriture s'avère plus difficile et parfois douloureux en fonction de la société à laquelle appartient l'écrivaine», et de continuer : «Dans les sociétés comme l'Algérie, l'écriture s'inscrit dans l'ordre du dévoilement, et c'est ce qui fait le caractère particulier de cette différence.» Ainsi, Maïssa Bey fait savoir, et ce, par expérience, que lorsqu'une femme se met à écrire, «elle doit tenir compte des interdits et tabous ambiants de sa société en faisant constamment l'effort d'aller au-delà des obstacles de l'écriture. «Les écrivains femmes (en Algérie) vont à contre-silence de leur propre écriture pour éviter l'autocensure», confie-t-elle, et de souligner : «C'est difficile pour une femme (algérienne) de livrer au regard des autres ce qu'elle a envie d'écrire.» Autrement dit, livrer un message personnel, son intimité, son rapport du corps à la société. Maïssa Bey dit que «les hommes occupent le plus naturellement l'espace public – celui de la parole – dans lequel la parole de la femme fait irruption». C'est donc dans cette réalité qu'est née l'écriture dite au féminin, c'est-à-dire les femmes écrivaines sont motivées par «l'ordre du vouloir oser dire». Cela dit, les femmes écrivent pour dire, aller au-delà des limites qui leur sont circonscrites : «Il faut aller au-delà des frontières qui nous sont assignées», précise Maïssa Bey pour qui «l'écriture de femme est perçue en termes de confrontation, c'est-à-dire écrire contre quelque chose, pour dénoncer, se mesurer à l'écriture masculine».