Les femmes écrivaines, d'après le récit des expériences des deux intervenantes, semblent marginalisées. La tendance actuelle tend à les grouper et à les considérer comme appartenant à une catégorie littéraire dite “littérature féminine”. Pourtant, les deux femmes ont contesté cette catégorisation, tout en revendiquant le caractère individuel et universel de l'écriture (le moi qui écrit). Comment les femmes écrivaines sont-elles perçues par le lecteur, par la critique et même par leur environnement social ? La littérature féminine est-elle réellement une catégorie littéraire où l'on retrouve les mêmes thèmes et les mêmes préoccupations ? Pourquoi lorsqu'une femme se met à écrire, on la considère comme étant le porte-parole de toutes les autres, de porter l'emblème féminin et de crier haut et fort ce que les autres taisent ? Pourquoi dès qu'une femme écrit, elle est en opposition à une autre littérature, exclusivement masculine et dite universelle ? Pourquoi refuse-t-on les caractères universel et individuel aux femmes ? Ce sont là quelques-uns des thèmes abordés lors de la rencontre littéraire organisée et abritée, jeudi dernier, par l'Institut Cervantès, et qui a réuni Maïssa Bey et Laura Freixas. L'auteure espagnole, Laura Freixas, a entamé la rencontre en déclarant que lorsqu'elle avait commencé à écrire, son but n'était pas “de défendre une thèse”, mais de se donner à lire. Elle confie toutefois avoir été étonnée par la réception, car il y a une tendance à regrouper les femmes et à généraliser leurs écritures. “La présence du féminin était perçue de façon exagérée”, a-t-elle souligné. Laura Freixas a fait remarquer que la réception des œuvres écrites par des femmes était différente : “Le fait d'être une femme est vu comme une limitation. On nous refuse le caractère universel et le caractère individuel. Les personnages féminins sont uniquement féminins et pas humains, et on a tendance à nous grouper.” L'auteure et critique littéraire a revendiqué les deux caractères, tout en concédant qu'il y aurait dans les textes de femmes certaines similitudes, qu'elle a appelées “rapprochement”, tout en préférant le terme “femme” à “féminin”. Les ressemblances ou “les rapprochements” se situent notamment dans les sujets traités et les personnages. De son côté, Maïssa Bey a partagé son expérience de l'écriture qui a été “douloureuse”, puisque pour elle écrire relève du “dévoilement”. D'ailleurs, sa motivation première a été “d'oser et pouvoir dire ; d'aller à contre silence et il a été difficile de se livrer au regard des autres”. La lauréate du Prix des Libraires 2005, qui a précisé que la société algérienne était différente de la société espagnole, a indiqué qu'il était “difficile et douloureux d'occuper l'espace public de la parole, de relever le voile de ce qui est de l'ordre de l'intime. Je l'ai mesuré aux réactions”. Maïssa Bey a également relevé que “l'écriture de femme est perçue en termes de confrontation : les femmes écrivent contre”, et dès qu'une femme écrit, elle est forcément la porte-parole des femmes. Ce que Maïssa Bey conteste, préférant “porter la parole des femmes qui n'ont pas la chance que j'ai de trouver des mots pour dire certaines choses”. Le débat qui a suivi les deux interventions a été riche en interrogations, toutefois Maïssa Bey et Laura Freixas ont plaidé pour le caractère universel de leur écriture qui est avant tout autre chose un acte individuel où le “Moi” s'exprime. Elles ne se considèrent point appartenir à une catégorie littéraire. En attendant que les femmes écrivaines soient prises au sérieux par le reste du monde, il demeure évident que des similitudes existent, notamment dans la construction des personnages féminins, mais il serait vraiment injuste de classer les femmes dans une case qui les réduiraient et qui susciterait dans la réception soit l'admiration, soit le rejet. Ce serait même incongru que les femmes écrivaines évoluent dans un monde noir ou blanc, alors que la réalité est beaucoup plus complexe. S K