Inquiétude - Le président de l'Assemblée constituante tunisienne, Mustapha Ben Jaâfar, a souligné que des «événements graves» s'étaient produits récemment dans le pays. «Notre pays a enregistré dernièrement des phénomènes dangereux, comme des appels à tuer et à s'entretuer, des profanations du Coran et de lieux saints, l'atteinte au drapeau national qui a été descendu», a rappelé M. Ben Jaâfar à l'ouverture d'un débat sur la situation sécuritaire, à l'Assemblée constituante, en présence de trois ministres du gouvernement. Il a aussi évoqué «l'assassinat d'un prédicateur (à Tunis le 11 mars), des agressions verbales et physiques sur des journalistes, des artistes et même des policiers, des cours entravés à l'université et des sit-in anarchiques». Et l'événement le plus grave a eu lieu la semaine dernière. Il s'agit d'affrontements entre deux clans rivaux à El Ksar, qui ont fait deux morts, mardi et mercredi derniers. Un adolescent de 14 ans avait été tué, mardi, d'un coup de fusil de chasse au cœur et sept autres personnes blessées dans les premiers affrontements entre deux familles à propos d'un lot de terrain, selon le ministère de l'Intérieur, qui avait décrété un couvre-feu de 19h 00 à 05h 00. Les affrontements ont repris mercredi après les funérailles de l'adolescent et une deuxième personne, un jeune homme de 25 ans, a été tué par balle de fusil de chasse. Plusieurs centaines de personnes étaient impliquées dans les violences, et des commerces et des maisons ont été incendiés mercredi soir. Un conflit tribal à Metlaoui, une ville minière de la région, avait fait 12 morts et 150 blessés début juin 2011. Les violences avaient duré une semaine. «Ce qui s'est passé menace la cohésion sociale. La liberté ne veut pas dire chaos ni rébellion», a-t-il déclaré. Les incidents liés à la mouvance salafiste radicale se sont multipliés au cours des derniers mois en Tunisie, où la question identitaire et religieuse a monopolisé le débat. S'exprimant brièvement, le ministre de l'Enseignement supérieur, Moncef Ben Salem, a «regretté» de «devoir s'expliquer sur un phénomène marginal», le port du niqab à l'université, alors qu'il «y a plus important à débattre, comme la construction de la Tunisie». La faculté des lettres de la Manouba, près de Tunis, a été entravée pendant plus de trois mois par un groupe d'étudiants et de salafistes réclamant l'autorisation des filles en niqab (voile islamique intégral) en cours et en examen, ce que refuse catégoriquement l'administration. Le corps enseignant a dénoncé l'inertie de son autorité de tutelle dans cette affaire. La députée du Parti démocrate progressiste (PDP, opposition), Maya Jribi, a accusé le gouvernement d'«occulter certains phénomènes extrémistes». Pour sa part, le président du groupe parlementaire d'Ennahda, le parti islamiste dominant à l'Assemblée, a estimé qu'il y avait «une grave dérive sécuritaire» et dénoncé des tentatives pour «détourner les objectifs de la révolution tunisienne».