Opinion - La détention provisoire est un «signe implicite» de culpabilité. C'est ainsi que qualifie le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh), Me Farouk Ksentini, cette mesure. En outre, ce constat l'emmène à penser et ainsi à recommander que celle-ci se doit d'être prise «collégialement» et non par un seul magistrat. Cette recommandation aurait le mérite de «mieux protéger la présomption d'innocence et celui qui en bénéficie», a plaidé Me Ksentini dans une opinion intitulée «La détention provisoire ou la culpabilité par le signe», rendue publique hier. Dans cette opinion, qui se veut une réflexion sur la situation de la détention provisoire en Algérie et son impact sur la jouissance des personnes privées de liberté de leurs droits fondamentaux, Me Ksentini relève qu'en matière délictuelle, «très souvent la détention provisoire procède d'un abus de pouvoir et ne sert strictement à rien». Il a tenté d'éclairer sa position en affirmant que «si elle représente un mal nécessaire, comme se plaît à le soutenir un grand magistrat de mes amis, il se rattache néanmoins à la détention provisoire un effet pervers, toxique et indésirable qui transforme la présomption d'innocence proclamée par la Constitution elle-même en une présomption de culpabilité contre laquelle l'inculpé est totalement désarmé (et) auquel il est ainsi imposé, de facto, d'apporter lui-même la preuve de son innocence, la détention provisoire étant, par ailleurs, au plan de la procédure, perçue comme un signe implicite et muet de culpabilité». Dans son argumentaire, Me Ksentini explique encore que la détention provisoire, vécue par l'inculpé comme une «agression physique» et une «punition préalable et imméritée», a pour effet de le «fragiliser» et de le mettre dans un «état d'infériorité», à tel point que le juge chargé de se prononcer sur l'affaire, «prend systématiquement de l'ascendant sur lui, ce qui l'empêche de se défendre comme il l'aurait souhaité de peur de déplaire à celui qui l'interroge et de délivrer de lui-même l'image d'un personnage retors et de mauvaise foi». Le ministère de la Justice affirme, pour sa part, que le taux de détention ne dépassait guère les 10% de la population carcérale globale, Farouk Ksentini, en avançant le chiffre de 30%, considère ce taux de 10%, comme «totalement inexact» sachant, explique-t-il, que sur le plan légal, est considérée comme détenue provisoirement toute personne qui n'est pas définitivement jugée.