Selon le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme , il y a un abus dans le recours à la détention provisoire. Un abus qui est en contradiction avec la loi en vigueur en Algérie. Selon lui, il s'agit d'un problème culturel, certains juges d'instruction n'étant pas encore arrivés à se défaire des mentalités héritées d'une époque révolue. Me Ksentini suggère le remplacement de la détention provisoire par le contrôle judiciaire. C'est ce qu'affirme maître Farouk ksentini, président de la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH). Il a expliqué cette situation par le fait que nos magistrats ont toujours cette culture traditionnelle où ils se donnent le droit de maintenir la personne en détention, pensant à tort que la loi l'y autorise. «Ces magistrats ont été formés ainsi, c'est une question culturelle. Ils n'ont vu que la détention provisoire dans toute leur carrière durant laquelle ils ont eu recours à cette procédure de manière abusive», a-t-il expliqué ce matin sur les ondes de la chaîne III. «Ils supposent que la loi leur donne la possibilité d'infliger une punition préalable à quelqu'un qui bénéficie de la présomption d'innocence, et qu'ils mettent sous mandat de dépôt avec tous les dégâts que cela occasionne, non seulement à l'intéressé qui s'effondre littéralement, mais également à sa famille et à ses enfants. Moi-même, j'ai vu des enfants échouer à leurs examens et des familles brisées à la suite d'une incarcération ou d'une détention provisoire», témoigne Me Ksentini. Cette situation est, selon lui, des plus contradictoires dans un pays où en plus des recommandations du président de la république à ce propos, la loi est claire dans la limitation d'une manière extrêmement stricte de la détention provisoire. «Mais en dépit de ce qu'énonce la loi , avec toute la force qui s'y attache normalement, en dépit des recommandations du premier magistrat du pays, en dépit aussi des instructions du ministre de la justice ainsi que celles du chef du gouvernement, le recours à la détention provisoire (abusive) persiste toujours.» Me Ksentini a expliqué cette contradiction par un décalage culturel. «Je pense que c'est une question culturelle, il faut que le magistrat algérien apprenne à se débarrasser du côté répressif hérité d'une certaine période politique... Je parle des juges d'instruction.» Évoquant la durée maximale de la détention provisoire qui est de 44 mois, Me Ksentini a souligné que cette durée pourrait être compréhensive concernant les cas de terrorisme. «Car, dans ce cas, un magistrat saisi d'une affaire de terrorisme, doit avoir suffisamment de temps pour mener à bien ses investigations.» Mais, selon lui, il en est autrement pour les autres affaires ordinaires qui sont la majorité écrasante des affaires. Il s'agit de procédures simples qu'on pourrait régler dans un laps de temps court. Maître Ksentini préconise comme alternative à la détention provisoire, le contrôle judiciaire. «Le juge en mesure de contrôler hebdomadairement et même deux fois par semaine, la personne inculpée. Ce qui veut dire qu'elle est toujours à la disposition de la justice», a-t-il affirmé estimant que cette formule, d'usage sous d'autres cieux, est la meilleure. Même s'il dit ne pas être en possession de chiffres exacts, maître Ksentini a estimé le nombre des détenus préventifs à 55 000. «Un chiffre qui pourrait être largement plus important car la loi considère qu'est en détention provisoire, toute personne qui n'est pas définitivement jugée. Et Dieu seul sait combien de détenus sont dans nos prisons et qui attendent d'être jugés», a-t-il conclu.