Il était une fois un roi le plus sot et le plus crédule qu'on ait jamais vu. En dehors de la chasse et de la pêche, son grand plaisir était d'aller chez sa s?ur de lait, mariée à un nommé Mamoun, homme d'esprit subtil et rusé, qui lui faisait sur toutes choses, même les plus simples, de merveilleux récits. Par des ruses inattendues, cet homme savait obtenir du roi qu'il lui donnât de grosses sommes d'argent. Ayant si bon crédit et mille tours dans leur sac, M. et Mme Mamoun menaient joyeuse vie, toujours en liesse, noces et festins, toujours d'ailleurs la poche vide, mais sachant la remplir quand il fallait. Ils avaient la partie belle depuis quelque temps déjà que le roi s'était marié. La reine, fille unique et héritière d'un roi voisin, avait été mariée contre son gré, sous prétexte que le royaume de son époux valait bien deux fois celui qu'elle devait avoir de ses parents. Et l'ennui de vivre en tête à tête avec la sotte Majesté lui avait donné une maladie noire. Rien ne pouvait distraire sa tristesse ; elle pâlissait à vue d'?il, et les médecins du royaume, appelés en toute hâte, avaient déclaré qu'ils ne répondaient pas de sa vie si l'on ne parvenait pas à la faire rire, ou tout au moins à la faire sourire. Après avoir vainement essayé de la distraire avec des fêtes, des danses, des spectacles badins, le roi s'avisa de rechercher les plus amusantes dernières inventions. Mamoun avait fourni un grand nombre d'inventions et comme une fois il avait failli faire sourire la reine, le roi venait voir, très souvent, chez lui, ses dernières trouvailles. Un jour, voyant de loin venir Sa Majesté, Mamoun qui se chauffait dans sa cuisine, au coin de la cheminée, jeta vite un plein seau d'eau sur le feu, au-dessus duquel bouillonnait une bonne soupe fumante, ensuite il prit à brassée les tisons mal éteints et les jeta par la fenêtre, non sans se brûler cruellement les doigts enfin mettant la main à la crémaillère, il en détacha le pot-au-feu qu'il plaça par terre au milieu de la cuisine. Un fouet à la main, il fouettait le pot à tour de bras de toutes ses forces, quand le roi entra seul, familièrement, comme il en avait l'habitude. ? Que fais-tu Mamoun ? demanda-t-il intrigué. ? Sire le roi, tel que vous me voyez, je fais cuire ma soupe. Et en effet, on voyait fumer le couvercle, une bonne odeur de légumes bouillis s'en échappait, on entendait chantonner un doux bruissement. ? Tu fais cuire ta soupe sans feu ? Et comment ça ? ? Et pardi ! en tapant sur ce pot que vous voyez avec le fouet que voilà. C'est ma marraine qui m'a donné à la fois le pot et le fouet. Elle était un peu fée. Tenez ! J'ai tapé trop fort et je me suis brûlé les doigts ! Aïe ! Mais maintenant la soupe est cuite, car il suffit de fouetter pendant cinq minutes. ? Voilà qui est vraiment merveilleux ! s'écria le roi. (à suivre...)