Abus Au-delà de Guantanamo, ce sont les pouvoirs exorbitants que s'est octroyés Bush, au nom de la guerre contre le terrorisme, qui sont jugés. Guantanamo est au banc des accusés. Récemment, la Cour suprême des Etats-Unis examinait pour la première fois la légalité de la prison pour terroristes installée sur une base militaire américaine à Cuba. Pendant ce temps, aux Nations unies, Cuba tente de pousser une résolution devant la Commission des droits de l'Homme, exigeant plus de transparence sur le traitement des prisonniers. La Cour suprême doit juger s'il était possible d'interdire aux 660 détenus de Guantanamo de saisir des tribunaux américains pour protester contre leur sort. Selon Washington, les talibans ou les membres d'Al-Qaîda sont des «combattants ennemis» qui ne peuvent être considérés comme des «prisonniers de guerre» relevant de la Convention de Genève : ils peuvent donc être détenus pour de longues durées, sans procès et sans accès à un avocat. Artifice. Le représentant de l'Administration Bush, Theodore Olson, a tenté de convaincre les juges : le droit américain, a-t-il expliqué, ne peut s'appliquer à Guantanamo, qui ne fait pas partie du territoire américain. Pour l'avocat des détenus, John Gibbons, un ancien juge fédéral, cet argument est un artifice pour justifier la création, par l'Exécutif, d'une zone de «non-droit». Cinq des neuf juges avaient l'air de sérieusement tiquer en écoutant Olson. «L'idée que l'Exécutif puisse être libre de faire ce qu'il veut sans contre-pouvoir semble tout à fait contraire à la Constitution», a ainsi déclaré le juge Stephen Breyer. «Les Etats-Unis sont en guerre», a justifié Olson qui a perdu son épouse dans les attentats du 11 septembre 2001. Le juge Paul Stevens lui a demandé : «Supposons que la guerre soit terminée. Auraient-ils alors accès à des juridictions ?» Olson répondant par la négative, Stevens a conclu : «Dans ce cas, la notion de "guerre" n'a pas, ici, de pertinence juridique.» La Cour suprême se déterminera avant fin juin. L'affaire est très sensible. Au-delà de Guantanamo, ce sont les pouvoirs exorbitants que s'est octroyés Bush, au nom de la guerre contre le terrorisme, qui sont jugés. A Genève, Cuba se démène pour que la Commission des droits de l'Homme examine la situation de Guantanamo. Le régime de Castro a déposé une motion amendée par la Suisse et la Russie. La motion exige des éclaircissements sur les conditions et le statut des prisonniers et demande à Washington d'autoriser la visite d'observateurs de la Commission.