Projection - Por sus propios ojos (Par ses propres yeux) est un film argentin réalisé par Beatriz Liliana Paolinelli et projeté, hier, à la cinémathèque d'Alger. Le film raconte l'histoire d'une étudiante en cinéma qui prépare une thèse sur les femmes de prisonniers. Elle rencontre une femme qui, en échange d'un entretien, lui propose de rendre visite à son fils prisonnier. La fille tente de s'esquiver au chantage, mais finalement elle entre dans cette prison ou deux mondes vont se croiser... S'exprimant sur son documentaire à l'issue de la projection, Beatriz Liliana Paolinelli dira : «L'idée de faire ce film m'est venue suite au constat suivant : on raconte souvent le monde carcéral de l'intérieur, alors que celui de la périphérie n'a pas été traité par le cinéma. C'est à partir de là que tout a commencé. Mon but est de donner une vision périphérique de la prison.» En effet, toute l'histoire du film se déroule dehors, le plus souvent à l'extérieur de la prison, où l'on voit des femmes attendant l'heure des visites. Notons que ce film est, à l'origine, un documentaire, puis la réalisatrice en fait une fiction. «Ce film est construit sur un documentaire que j'ai fait sur ce sujet», explique-t-elle, et de poursuivre : «J'ai élaboré ensuite une fiction autour de cette thématique. Si j'ai choisi la fiction, c'est seulement parce que celle-ci est, à mon sens, beaucoup plus réaliste.» Le film est, certes, une fiction, mais la réalisatrice tente, à travers le jeu des comédiennes, de restituer la réalité. Force est de constater toutefois qu'en jouant une situation, le film perd de son objectivité et de son réalisme. Car cela donne l'impression que l'histoire est imaginée, pas vécue. A ce propos, Beatriz Liliana Paolinelli s'explique : «Il est vrai que la fiction prend le dessus sur la réalité. En outre, la projection de la réalité dans son objectivité n'est pas le but de ce film. Mon intention était, par le biais du jeu, de tisser des relations entre les différents personnages.»Par ailleurs, la réalisatrice a reconnu que vouloir reproduire le vécu s'avère presque impossible. «En essayant de reproduire la réalité, on n'y arrive pas. Je reproduis cette réalité tout en étant consciente de ne pas pouvoir la retranscrire entièrement», confie-t-elle. Le film se révèle, de par la manière dont il est réalisé, audacieux. La réalisatrice ose porter, dans un deuxième temps, un regard critique sur la façon dont la fouille corporelle est effectuée sur les visiteuses : il y a atteinte à l'éthique, à la dignité humaine, puisque les femmes sont fouillées d'une manière à la limite de l'immoral. Elles sont fouillées par des policières. «C'est une fouille encore pratiquée dans les prisons argentines», souligne Beatriz Liliana Paolinelli, avant d'ajouter : «Cela est dû au manque de moyens. Les établissements pénitentiaires ne sont pas équipés de matériel de fouille électronique (scanner, caméra de surveillance...).» Beatriz Liliana Paolinelli a tenu, en outre, à préciser que les femmes policières chargées de fouiller les visiteuses, refusent, dans certains cas, de se livrer à ce genre de pratique, parce que, pour elles, obliger une personne à se mettre nue est contraire à l'éthique. - Interrogée sur la raison qui l'a poussée à choisir la fiction plutôt que le format documentaire pour aborder cette thématique, Beatriz Liliana Paolinelli répondra : «La réalité est beaucoup mieux illustrée dans une fiction que dans le cadre du documentaire. Cependant, les deux genres convergent.» Beatriz Liliana Paolinelli, qui dit se sentir plus à l'aise dans le format fiction, précise : «La fiction est un moyen d'aller vers la réalité et de la dire, puisque lorsqu'on construit une fiction, on recourt obligatoirement aux éléments de la réalité. Celle-ci est reconstituée seulement autrement, c'est-à-dire sur un plan cinématographique.» Por sus propios ojos est un film d'auteur, un film indépendant. «C'est un film ''imparfait'', mais pas dans le sens péjoratif du terme. Lorsque je dis ''imparfait'', c'est seulement pour souligner qu'il n'entre pas dans le circuit de distribution officielle, c'est-à-dire ce n'est pas un film commercial», explique-t-elle. Outre ‘Por sus propios ojos', d'autres films sont proposés aux cinéphiles à la cinémathèque. Ces projections qui se poursuivront jusqu'à jeudi, s'inscrivent dans le cadre d'un cycle placé sous le thème de «Cinéma en construction». Ce cycle est initié par l'Institut Cervantes d'Alger (Centre culturel espagnol) et en partenariat avec la cinémathèque d'Alger. Ce nouveau programme réunit plusieurs films qui sont passés par la sélection de Ciné en construction, des deux festivals de San Sébastien et Toulouse. La sélection de cette année regroupe deux films argentins, un guatémaltèque, un mexicain et une coproduction hispano-mexicaine. S'exprimant sur cette appellation, Beatriz Liliana Paolinelli dira : «Il s'agit d'une section (festivals de San Sebastien et de Toulouse) où sont montrés des films pas finis, indépendants, non commercialisés. L'objectif consiste à permettre aux réalisateurs, notamment les jeunes, de faire connaître leurs films et de voyager.»