Pulsation n Noureddine Chegrane, plasticien et l'un des doyens de la peinture algérienne, renoue, une fois encore, avec le signe, son thème de prédilection. A chaque fois, le plasticien s'emploie avec autant de simplicité que de recherche et de liberté à le renouveler, à l'imaginer autrement, à l'innover. L'objectif consiste à lui donner une nouvelle dimension. Cette fois-ci, il revient donc avec des tableaux grands formats qui sont exposés à la galerie d'art Asselah-Hocine (Alger). L'originalité de son travail tient du principe que le plasticien présente des symboles – lettres ou autres motifs – certes puisés dans le terroir (culture berbère), mais recréés selon son inspiration – elle est d'ailleurs le moteur de sa création – qui, elle, est alimentée par cette sensibilité portée avec une approche individuelle sur l'objet en question. Le geste du plasticien consiste à s'approprier du signe, à le transfigurer – sans pour autant le dénaturer – dans une représentation purement contemporaine, même si l'œil en perçoit une configuration figurative du contenu du tableau. Noureddine Chegrane présente le signe qu'il prend plaisir à recréer, dans un décor imaginé de l'intérieur. C'est sur un fond abstrait accompagné de la gestuelle, cette même gestuelle qui se faisait dans les années 50 dans l'action painting aux Etats-Unis, que prennent naissance et forme les symboles du plasticien. L'action painting signifie littéralement «peinture d'action». C'est un courant artistique apparu au début des années cinquante à New York. Ce terme désigne aussi bien la technique que le mouvement. En effet, chaque signe, même s'il donne l'illusion d'être figé, s'avère en mouvement, mouvement cependant imperceptible. Il suffit juste d'y prêter un œil attentif pour le constater. Ainsi, par cette technique, le plasticien cherche à donner du volume et, surtout, du mouvement à ses représentations. Puisque, selon Harold Rosenberg, l'initiateur de ce mouvement, «ce qui doit passer sur la toile n'est pas une image, mais un fait, une action». En d'autres termes, la surface du tableau devient le théâtre d'une action : à chacun de l'interpréter à sa façon. Cette action prend sa tournure dans une mise en scène spontanée. Noureddine Chegrane a effectivement recourt à l'alphabet tifinagh pour ses besoins de création, tout en allant toujours vers l'abstraction, à la découverte de l'originalité. Le plasticien privilégie l'acte physique de peindre, donc cette action qui résulte de son geste. Toutes suggestions figuratives sont alors écartées. Le figuratif devient un simple prétexte à l'abstrait. - Noureddine Chegrane réalise des tableaux d'une vitalité fulgurante, pleins d'énergie et de sens, tous relevant de l'abstrait. La surface du tableau peint résulte de l'intuition et de la manière dont les couleurs – elles se croisent et s'entrecroisent mais dans une composition équilibrée – sont disposées, de leur comportement et de leur rapport les unes avec les autres. L'œuvre de Noureddine Chegrane témoigne de cette énergie toujours renouvelée, puisée continuellement dans les tréfonds de la psyché du plasticien, elle est élaborée comme une pulsation. Elle est aussi un témoignage vivant d'une attitude de transe intérieure, d'un instant de pure création, d'une existence irréfléchie, animée. Disciple de M'hamed Issiakhem, Noureddine Chegrane, qui n'est plus à présenter, s'inscrit dans la continuité de ce qu'il fait depuis presque 50 ans, à savoir le signe, ou «Aouchem», un mouvement pictural créé durant les années soixante par un groupe d'artistes peintres de renom qui travaillaient sur le signe sous toutes ses formes. A ce mouvement, il est resté fidèle. Mais à aucun moment, il ne s'y cantonne. A chaque collection, il crée et se nourrit sans cesse de ce souci d'innover dans ce qu'il entreprend. Même s'il utilise le signe comme point d'appui, celui-ci n'est jamais représenté de la même façon. Sa peinture évolue au fil de l'instant. Elle tend vers l'originalité. Y I