Divagations - Ses employeurs qui l'avaient prise en pitié, ne faisaient plus cas des propos décousus qu'elle tenait du matin au soir sur sa splendeur et ses longues tresses brunes. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Zebda est le nom ou plutôt le surnom qu'une vieille femme s'était donné. Elle s'appelait en réalité Zoubida. Célibataire, sans attache et pratiquement sans famille, Zebda, en 1950, n'avait d'autre choix que de travailler et faire les ménages pour vivre et survivre. D'autant que la nature ne l'avait pas gâtée. Elle est née sans cheveux et sans sourcils et pour cacher son infirmité, elle avait pris l'habitude de mettre un «mendil» sur le crâne. Et à force de penser à sa vie qui s'étiolait inutilement, elle finit par se convaincre qu'elle était belle et désirable et qu'un prince charmant n'allait pas tarder à franchir la porte pour demander sa main. Ses employeurs qui l'avaient prise en pitié, ne faisaient plus cas des propos décousus qu'elle tenait du matin au soir sur sa splendeur et ses longues tresses brunes. Au bain maure, lorsqu'elle se rhabillait, elle avait toujours une réflexion hautaine pour les femmes qui la regardaient avec insistance et qui, croyait-elle, l'enviaient et n'allaient pas tarder à la demander en mariage pour leurs fils.Et quand elle voyait un hélicoptère de l'armée française tournoyer au-dessus de sa tête, elle criait à qui voulait l'entendre que les pilotes avaient repéré Zebda et remarqué son étincelante fraîcheur. Elle ajoutait en direction de ses employeurs que si les prétendants en Algérie passaient par la porte, les siens descendraient du ciel.