Destruction - Entre 1345 et 1350, le monde musulman et la région du Croissant fertile sont durement touchés par la pandémie... Le terme «Croissant fertile» a été donné par l'archéologue James Henry Breasted (1865-1935), l'une des plus grandes autorités en ce qui concerne l'Egypte antique, car l'arc formé par les différentes zones, ressemble à un croissant. Ces zones désignant les régions de Mésopotamie et du Levant au Moyen-Orient. Il comprend les territoires des Etats actuels du Liban, de Chypre, du Koweït, de Palestine (Gaza) ainsi que des parties de la Jordanie, de la Syrie, de l'Irak, de l'Iran, de l'Egypte (sur ce point, il ne semble pas y avoir consensus) et le sud-est de la Turquie. Partie de Haute-Egypte, la pandémie touche Alexandrie, où dès les premières semaines, la peste fera des milliers de morts selon certains documents. Le même scénario catastrophique est mentionné du côté du Caire qui est touché en septembre 1348. Elle atteint la Palestine, touche successivement Sidon ou Saïda au Liban (capitale de la Phénicie), mais aussi Beyrouth, Tripoli et Damas en juin de la même année. Au plus fort de la pandémie, Damas perd environ 1 200 habitants par jour. Cette calamité fera en Syrie environ 400 000 victimes, soit un tiers de sa population estimée alors à un peu plus d'un million. Gaza est décimée dans sa totalité. C'est après avoir ravagé L'Egypte que l'épidémie se répand au Maghreb où elle fera des centaines de milliers de morts. Ibn Khaldoun, philosophe et historien musulman du XIVe siècle, évoque dans son autobiographie la perte de plusieurs membres de sa famille dont sa mère en 1348 et son père en 1349, de ses amis et de ses professeurs à cause de la peste. Plus tard, Ibn Khaldoun évoque à plusieurs reprises ces événements tragiques, notamment dans La Muqaddima (en français Prolégomènes). «Une peste terrible vint fondre sur les peuples de l'Orient et de l'Occident ; elle maltraita cruellement les nations, emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation. Elle se montra lorsque les empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu'ils étaient menacés d'une destruction complète. La culture des terres s'arrêta, faute d'hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s'effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea d'aspect.»