Résumé de la 1re partie - Le narrateur écrit pour clarifier ses idées et comprendre le drame qu'il vient de vivre. Cela a commencé, voici déjà deux ans, en automne, très loin d'ici... Je me souviens parfaitement du jour un 2 novembre. Le temps était épouvantable comme il sait l'être pour la fête des morts dans l'Ouest de la France... Je me revois encore sur le quai de la petite gare où j'attendais l'arrivée de l'omnibus de Paris. Les express n'ont jamais pris le temps de s'arrêter dans une telle gare... Mon attente, balayée par les bourrasques de vent et de pluie, fut longue. A certains moments, quand l'humidité trempait trop profondément mon imperméable, je me réfugiais sous la guérite qui servait de salle d'attente. Mais au fond, ce jour-là, je ne fis guère attention au temps maussade : mon esprit était ailleurs. Ce ne fut que plus tard, lorsque je me remémorai cette journée, que je compris que ce temps lui-même était le seul convenant à la personnalité de celle que j'attendais... Il n'y avait pas grand monde sur le quai... Je me souviens pourtant y avoir croisé le père Heurteloup, sans doute venu chercher l'un de ses onze enfants – curieux bonhomme que le père Heurteloup ! Je ne pourrai jamais l'oublier il avait été mon premier client à mon retour de captivité en Allemagne... J'aperçus aussi la belle Mme Boitard, qui me fit un gracieux sourire – décidément, cette femme de notaire avait beaucoup de charme ! Elle était venue à ma consultation la semaine précédente et m'avait dit quelques mots qui m'avaient fait plaisir : — «Docteur, il n'y a cependant pas longtemps que vous pratiquez et vous êtes déjà aussi apprécié en ville que l'était votre père.» Mon père était un excellent médecin et la jolie Mme Boitard a toujours eu le mot aimable. Je trouvais très normal que le nouveau lieutenant des Eaux et Forêts fût amoureux d'elle. On chuchotait même dans le pays qu'il était son amant... Naturellement, le notaire, son mari, ne se doutait de rien ! Qui ai-je vu d'autre dans cette gare pendant que j'attendais le train de Paris ? Personne, je crois. Et même si j'y avais rencontré les cinq mille habitants de notre petite ville, je pense que je n'aurais pas fait l'effort de mettre un nom sur leurs visages, tellement j'étais absorbé par la raison qui m'amenait sur ce quai. Quand j'étais revenu, à la Libération, après quatre ans de captivité, j'avais retrouvé la maison familiale vide : mon père était mort en 1941, après avoir exercé pendant trente-cinq années. Ma mère ne lui avait survécu que quelques mois. Seule Clémentine, notre vieille bonne, était encore là pour m'accueillir. Pendant les deux dernières années de guerre, notre ville n'avait plus eu de médecin. Je dus me mettre aussitôt à la tâche : six mois plus tard, mon cabinet ne désemplissait plus. Les gens de la ville et des environs avaient reporté sur le fils la confiance qu'ils avaient eue dans le père. Mon grand-père aussi avait été médecin : je crois que nous sommes tous destinés à l'être dans la famille, de génération en génération... (A suivre...)